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  • L'affect du livre à Saint-Etienne - 2

    La tente est déjà bondée, mais c'est une illusion d'optique, les jours suivants, elle concentrera largement plus du double de visiteurs, contenant ou contenu, je ne sais lequel offre le plus d'élasticité. En attendant, je fais connaissance avec l'équipe de Lune et l'autre, cette librairie qui a cité « L'Affaire des Vivants » comme son coup de cœur de la rentrée. Avis collectif de toute l'équipe. Des gens biens, donc. La charmante responsable, qui a confirmé son choix devant les caméras de France 3 il y a peu, et ses complices, autant de personnes précieuses dont je suis obligé soudain de taire les noms parce que l'un d'entre eux m'échappe et je ne voudrais pas faire d'impair, avec mes excuses. L'ambiance est bonne, on me propose du café, ça change de Besançon. De façon générale, d'ailleurs, l'accueil, le personnel, les bénévoles, tous seront aux petits soins. On m'a placé entre Claudie Gallay et Serge Joncour. Je rappelle à Claudie qu'on se connaît déjà. Ah bon ? s'étonne poliment Claudie. Pas grave. J'achète le dernier livre de chacun. Pas par politesse, mais par goût de la découverte.
    La librairie s'est donné la peine de chercher mes titres précédents. C'est heureux car, pendant ces trois jours, tous les  livres susciteront la curiosité du public et seront achetés dans des proportions évidemment différentes. Je ne vends pas de « La Joyeuse » à des mineures, ni de « Baiser de la Nourrice » aux femmes enceintes, aux personnes cardiaques et plus généralement aux lectrices qui ont des maris costauds.
    La journée s'achève sur un bilan plutôt positif. Je retourne à l'Hôtel, en prenant l'ascenseur cette fois. A Besançon, j'avais été surpris par la voix extraordinairement sensuelle de la cabine, chaude à rendre fou, capable de débraguetter n'importe quel gars un peu sensible. Ici, pas de ça mon ami, c'est une voix de colonel en retraite qui déclare depuis son cercueil : « Etage Principal ». Je demande ma clé tandis qu'un client avise l'ordinateur qui « Hélas monsieur » ne marche toujours pas. La chambre est bien. Enfin, pas mal. En tout cas, la porte ferme quand on insiste, et puis la douche envoie de l'eau, même si elle hésite, elle propose de vous infliger de cruelles brûlures ou de vous figer le sang par le froid. Je choisis un peu le froid, un peu le chaud, un peu le froid. C'est fatiguant. Epuisé, j'appelle ma douce qui me lit le superbe article de Jean-Claude Lebrun. Je suis ravi, c'est un texte impeccable, tout ou presque y est dit. Ma douce conclut en expliquant que, par contre, il y a grève et que, donc, personne n'a pu lire ce magnifique hommage. Chaud, froid, je suis blindé, pas de problème. On m'attend à l'accueil, me prévient-on. J'arrive.
    J'ai le grand bonheur de découvrir là Cédric Fernandez, un grand pote dessinateur aujourd'hui publié chez Glénat, complice depuis des années, avec qui je conçois des BD invendables, ce qui ne nous a curieusement jamais découragés. Je suis d'autant plus heureux que sa présence signifie que je vais rejoindre, malgré mon grand âge, la bande de dessinateurs, agrégés au staf de « Des bulles et des Hommes », librairie spécialisée dans la BD. Heureux parce que, entre nous, je préfère cent fois la compagnie des dessineux que celle des écrivains. Avec eux, on se marre vraiment. En plus, une loi de cette discipline dit que, sur dix dessinateurs de BD dans le monde, sept sont de la région roannaise, ne contestez pas, c'est statistique, c'est ainsi, ça surprend au départ, mais c'est un principe naturel et que voulez-vous.
    J'ai donc la vraie joie de retrouver mes compatriotes, Steve, Maud, Olivier et Cédric, le lendemain, je n'aurais qu'un peu de temps pour saluer Guillaume et Franck, la suite de la caravane. Et puis je découvre Ismaïl, publié chez Glénat également. Un jeune homme précieux. Mais tous le sont, bien entendu. Je dis seulement que c'est bon d'en découvrir constamment de nouveaux.
    La soirée s'achève tard, il fait chaud dehors, c'est l'été en octobre, je me suis habillé en fonction. Le colonel râle « deuxième étage », je donne un coup d'épaule dans ma porte, je fais ce que j'ai à faire (oui, bon) et je me couche, pas mécontent de ma journée. Des beuglements avinés montent de la rue, c'est la poésie urbaine, la vie des grandes villes, les alcooliques sont résistants, ils vocalisent en se relayant jusqu'à trois heures du matin. Là, impossible de se rendormir. Je compte les heures, essaye tous les trucs pour trouver le sommeil, sans succès. Demain, je dois rencontrer Alexis Jenni. Je vais être bien. Sur l'écran de télé que je me suis résigné à allumer, les Simpson dialoguent avec Katsumi qui fait la gueule, un débat sérieux s'envenime, qu'est-ce que je fais là déjà ? Qu'est-ce que j'ai écrit ? On parle de quoi, demain. Comment je vais faire, comment je vais faire, comment je vais...