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    Fermez cette porte ! Fous-moi la paix, arrête avec ce jeu, arrête ! Ne regarde pas. Je ne supporte plus. Je ne. Allez ! Laissez-moi glisser la tête sous le lit, jouer, jouer. Maman vire-moi ces tabliers, ils m'aveuglent ! Et lave ce sang. Ferme la fenêtre. Et vous, hein ? Dehors, dehors, tournez les yeux ! Ah non non mais non, ne regardez pas ça, c'est trop vieux c'est nul, oui c'était joli, mais ; barrez-vous, laissez-moi tranquille ! Fermez cette porte, fermez la fenêtre, fermez, éteignez, débranchez, taisez-vous, faites silence ! Faites silence dans la rue, respectez mon travail ! Comment voulez-vous que j'avance si vous m'interrompez tout le temps, si vous venez voir ce que je fais, comment je bosse ? Toi pareil, barre-toi ! Vous voulez quoi ? Vous voulez des preuves ? Être certains que j'en ai bien bavé ? Plus que les autres, autrement ? Que j'ai éprouvé une souffrance inconnue de vous ? Que j'ai trouvé une réponse inaccessible aux autres ? Mais bon sang, il n'y a pas de questions à se poser ! On n'en finirait pas. On peut y aller comme ça. Revenir sur le métier jour après jour, planter son petit rituel sans plus d'inquiétude. Simplement, comme tout le monde depuis l'origine. Pour en finir une fois. Je ne suis pourtant pas du genre à me prendre la tête sur des questions de. C'est pourtant pas compliqué, merde. Je suis comme tout le monde, pas plus de pourquoi et de comment que les autres, pas plus. Je bosse, je joue, voilà. Comme tout le monde, non ? Et si jamais, si jamais j'en viens à me poser ce genre de questions, ça me regarde. Ça me regarde ! Comme tous, la tête sous le couperet, pas plus renseigné que les autres. C'est mieux, c'est différend ? un type qui barbouille des couleurs à peine visibles sur un bout de tissu ? je ne vois pas ce qui peut fasciner là-dedans, hein ? Pas plus de questions que. Simplement, j'y suis. La gorge sous la lame. J'y suis, j'ai toujours été là. Là, comme ça. J'en avais des centaines. Les silhouettes, les jambes les ombres. Les reflets de lumière sur le parquet. Tout le blanc. La joue collée au sol, les grandes jambes. La tête qui patiente. Mon père qui entre et sa grosse voix. Toi, d'abord. Vers le couperet. Toi. Débarrasse le plancher, laisse-moi, laisse-moi. J'ai du travail. Je ne supporte plus. Je ne veux pas. Y'a rien à voir ! Rien à considérer. On y va tous. Les enfants ouste allez ouste laissez-moi travailler. Allez, allez dire à vos parents, allez leur dire que ce feignant de peintre est en plein boulot. Il y va comme eux, comme vous, on a juste à tendre le cou. J'y suis et alors ? On y est tous. Avec des bras, des cheveux, des pieds qui sentent, tu parles d'un héros, tu parles d'un modèle. Peindre ! Quelle pitié d'être tous pareils, quelle déception. Tenez, un pinceau, allez-y ! Pas bien sorcier bon sang. Rien de magique, pas de lumière, pas de science qui dise la forme du couperet. Si je mets de côté le mystère initial... Vous croyez que c'est dans le geste ? Dans les tripes ? Dans les chagrins, les souffrances, les joies ? Vous croyez que c'est là ? Ou là ? Je vais te dire, c'est nulle part ! Nulle part ! On ne sait jamais d'où ça vient, et si l'on est choisi. Pourquoi moi, j'entends, et pas les autres ? J'entends ! J'entends ! Personne d'autre. Laissez-moi, du silence, barrez-vous, enfermez-moi ou je me mure ou je plonge. Je me mure ou je plonge, je me mure ou je plonge, je me mure ou je plonge.

    E : Bon. On bouge ?