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    Dans la famille, les fêtes de fin d'année étaient réparties entre le repas de Noël à Cavaillon, chez les grand-parents paternels, et celui du jour de l'an, à Goult, vers Roussillon, pour le versant maternel. Personne ne manquait, enfants, petits-enfants, gendres, brus. Une absence n'était pas impossible : elle était impensable. Les repas étaient gais et longs, et les tablées superbes. Tout se déroulait, des deux côtés de la famille, dans une symétrie parfaite, avec le patriarche en bout de table, habillé impeccablement, veste de jais, chemise immaculée nouée d'une cravate, et le grand chapeau noir qui portait son ombre sur le visage et les épaules. Les enfants regardaient furtivement cette silhouette sévère et monumentale autour de quoi toute l'agitation domestique semblait en orbite. Dans la soirée, les mains épaisses sortaient dans la lumière et glissaient dans celles des minots des Victor Hugo, les billets de cinq francs, « pour l'épargne », disaient les vieux. Ce n'étaient pas exactement des cadeaux, c'était une forme d'héritage que l'enfant ne dépenserait pas, licence inconcevable. Une mise à l'épreuve autant qu'un enseignement sur la puissance de l'argent en réserve, celui qu'on ne lâche qu'en cas de dernière extrémité, et encore, qu'on garde pour un investissement à un âge raisonnable, quand on est en charge d'une famille et qu'on a une vision des générations à venir, pas avant.

     

    Extrait de Les Inconsolables. Roman en cours d'écriture.