J'allais rendre une visite régulière à cette vieille grande-tante, que les aléas d'une vie sans bienveillance avaient entraînée loin de sa famille d'origine. La ville où elle habitait se trouvait être celle de mes études secondaires. Je m'y ennuyais dans des cours de mécanique industrielle. Ce jour-là, c'était en fin d'année scolaire une magnifique journée, et la ville réputée noire gagnait un peu d'éclat sous le soleil, à presque croire en l'été. Les vacances approchaient, elles étaient à portée de conscience, et l'on se promettait des soirées longues dans le jour qui s'attarde. Ma grande tante me reçoit, m'explique les dernières avanies de la famille Ewing, et me demande, entre deux couplets sur ses nombreux maux (elle en avait de véritables, qui légitimaient ses plaintes), ce qu'il advient de moi. Je vais bien, je suis heureux, en plus il fait beau, c'est l'été. Sa moue maussade me rétorque que le 21 juin est passé et que, déjà, les jours raccourcissent, qu'en quelque sorte l'hiver s'annonce et qu'il n'y a guère à se réjouir. Je crois même qu'elle a amorcé son verdict d'un « Tu parles. » Cette révélation que cette magnifique journée recèle comme en germe, l'amorce de sa corruption, de son agonie, m'a causé une déception, presque une vexation, comme j'en ai rarement ressenti, je crois. Cette triste vérité a désormais atténué, pour la vie, toutes les joies que je peux éprouver quand les beaux jours arrivent. Je sais maintenant que, à peine perçus, ils ont déjà reflué vers les ténèbres qui les engloutiront bientôt. Merci, tatan !