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Au fil de l'Histoire

  • 3851

    En cette période de déboulonnage des statues, travailler sur le conquistador Cortès n'a pas que des avantages, on peut le craindre. Est-ce que l’honnêteté intellectuelle, la distance prise d'emblée (car je n'ai pas eu besoin que se pose le débat, pour aborder la question du colonialisme occidental), l'appel aux sources diverses, nous épargneront les critiques ? C'est d'autant moins sûr que, le récit se déroulant sur deux albums, il faudrait que les lecteurs les plus sensibles à ce sujet, attendent la parution de l'ensemble (soit deux ans) pour saisir l'équilibre que je propose. Car c'est surtout dans le second volet que la vision de l'histoire par les peuples conquis est la plus patente, le premier se focalisant sur l'élan de la conquête espagnole et la figure de Cortès. Aucune hagiographie, je le promets, mais le spectacle fascinant d'hommes venus d'ailleurs, de marchands et soldats sûrs de leur bon droit, se voyant offrir un empire qu'a priori, ils ne désiraient pas (c'est le plus délicat à faire passer : la nuance apprise des faits). De même, ne pas traiter Moctezuma et les Aztèques comme des victimes, mais comme d'autres conquérants, pas meilleurs que les Européens, ce qui sera la cause de leur chute, semblera incorrect politiquement, mais se défendra historiquement. Quelle réception pour ce travail sincère et rigoureux ? J'espère que les lecteurs seront eux aussi, sincères et rigoureux.

  • 3833

    Quand je travaillais sur "Martin Sourire", j'ai été, comme tous ceux qui ont abordé cette figure, fasciné par Marie-Antoinette. Et j'avais un peu atténué la frivolité de son portrait par plusieurs rappels : la dignité de sa mort, son amour tragique pour ses enfants, et son amour pour Axel de Fersen. En voici une que je ne suis pas parvenu à détester, non plus que son pauvre mari, non plus que la plupart des personnages qui traversèrent ce temps. A qui, aujourd'hui, devons-nous appliquer la même bienveillance, tandis que leurs actes publics nous révoltent ? Seront-ils eux aussi rachetés par un amour caché et malheureux ?

  • 3830

    Pendant le siège de Tenochtitlan, les Mexicas voient bien que leur cause est perdue. Toute retraite est coupée, la ville est conquise peu à peu, le lac est sous le contrôle de Cortés et la maladie et les privations font une hécatombe. Pourtant, face à eux, les Espagnols et leurs alliés sont gagnés par le doute : ils manquent de munitions, ils s'épuisent, la résistance de leurs adversaires est acharnée et chaque rue, chaque maison doit être disputée. Ce qui achèvera l'empire aztèque ? Il me semble que c’est une chose assez floue, difficile à exposer : la dynamique de l'Histoire, la fatigue qu'une civilisation a d'elle-même, une sorte de fatalité. Une notion que j'ai essayé de distiller à plusieurs moments, comme ici, au début du deuxième album, lors d'un échange privé (imaginaire, voire impossible) entre Moctezuma, le roi aztèque, et Marina (ou Ce-Malina, en nahuatl), la fameuse interprète et amante de Cortés :

    1- Moctezuma : « J'ai frémi, c'est vrai, quand j'ai vu un de leurs casques de métal, il ressemblait... »

    2- Marina : « Je me souviens : ils voulaient que vous le remplissiez d'or. » Moctezuma : « Oui, ce casque qu'on m'a apporté. Il ressemblait à la coiffure de Quetzalcoatl. Cela m'a terrifié d'abord. »

    3- Moctezuma : « Et puis, les rapports de mes espions ont dit cela : on pouvait tuer les étrangers, ils aimaient l'or, ils puaient. Est-ce que les dieux sont cupides, est-ce que les dieux puent ? Que fais-tu avec eux, Ce-Malina ? »
    Marina : « Moi ? Je suis avec Cortés. »

    4- Moctezuma : « Tu l'as conseillé, tu l'as guidé. Par haine contre nous. »
    Marina : « Mexicas… Tout le mal que vous avez fait, tous ces peuples sous votre contrainte… J'ai pu croire, comme vous, que la haine me conduisait. Ce n'est pas sûr. »

    5- Moctezuma : « L'amour, alors ? Ton amour pour Cortés ? »
    Marina : « Je ne peux même pas affirmer que nous nous aimons. Je porte son enfant, et pourtant… Non, ni l'amour, ni la haine. »

    6- Moctezuma : « C'est affreux. Je suis prisonnier dans ma propre capitale, je vais sans doute mourir ici, mon pays est divisé, et tout cela sans aucune raison ? »

    7- Marina : « Quand ils sont arrivés, que j'ai vu leur puissance, j'ai su que votre vieux monde devait céder la place. Je ne suis qu'un instrument du destin, Uey Tlatoani. »

  • 3827


    On puise dans la documentation plus de péripéties et d'anecdotes qu'il n'en faut pour faire vivre une histoire. Il faut donc choisir. Or, le tri ne se fait pas en fonction de l'esthétique, de l'exemplarité ou du spectaculaire d'une scène, il doit répondre à une nécessité : le sens que les événements permettent d'induire. Un acte de bravoure, une bataille anonyme, un renversement, un retournement, une défaite… N'exploiter dans ce matériau que ce qui va enrichir les personnages, clarifier une situation, sans négliger la dynamique générale du récit. Cette contrainte ne vient pas compliquer les choses, elle filtre efficacement les scories. Par contre, admettons qu'une certaine expérience n'est pas inutile pour reconnaître ce qui va faire sens et contribuer à l'histoire.

    Par exemple, les notes (un peu « nettoyées » déjà) pour la prise de Tenochtitlan :

    Le 28 avril 1521. 86 chevaux, 118 arquebusiers et arbalétriers, 700 fantassins, 3 gros canons de fer, 15 pièces de bronze et dix quintaux de poudre.
    Courriers aux trois provinces dont Texcala et Cholula pour des renforts, l'assaut final. Il les attendra dix jours. Il en arrive très vite 50 000 de Texcala.
    Il divise son armée en trois garnisons, une pour chaque ville entourant Mexico : un corps commandé par Alvarado pour Tacuba, un corps commandé par Cristobal de Oli pour Culuacan ; un corps par Gaonzalo de Sandoval pour détruire Istapalapa, rejoindre Culuan sous la protection des brigantins en passant par une des chaussées,
    pour chaque brigantin, 25 espagnols, un capitaine, un pilote, et 6 arquebusiers et arbalétriers.
    Cortés ne les mobilisera contre la capitale que quand les autres auront assuré leurs positions.
    Cortés est dans un brigantin, il y a une première bataille sur un piton entouré d'eau.
    Cri de guerre de Cortés : « Santiago ! »
    Ils massacrent tout le monde (cf, pdf 200) mais l'alerte a été donnée depuis le piton et les aztèques affluent en acali. Cortés rejoint les brigantins. Un vent de terre s'élève, favorable aux Espagnols. Les brigantins foncent sur les acali et les massacrent, les poursuivent jusque dans les rues de Mexico. Ils sont rejoints par la garnison de Culua (de Oli) qui emprunte une des voies de terre en luttant contre une foule de mexicas. Cortés fait débarquer des canons (ils sont aussitôt assaillis mais repoussent les courageux attaquants) puis tire sur les ennemis amassés sur une digue.
    Ils passent la nuit dans un temple, au sommet d'une pyramide. Il a envoyé des messagers pour que les gens de Culuacan le rejoigne le lendemain.
    Ils sont attaqués à minuit par la chaussée et par le le lac. Tirs depuis les brigantins et depuis le temple par les arbalétriers et les arquebusiers. Attaque repoussée. Reste de la nuit tranquille. Au matin, les renforts arrivent alors que Cortés est en pleine bataille. Les brigantins entrent dans la ville par certains canaux.
    Tlapaltecatlopochtzin, un guerrier aztèque, s'illustre particulièrement par sa bravoure et sa force. Les texcaltèques le redoutent, et les Espagols aussi. Son nom devient célèbre dans les rangs aztèques. Cuauthemoc l'apprend.
    Sandoval blessé au pied.
    Les maisons incendiées.
    Les Espagnols parviennent à détruire toutes les chaussées qui permettraient une retraite.
    Cortés décide de s'enfoncer encore plus dans la ville, les autres armées convergent. Ils emportent une barricade avec fossé noyé qu'ils franchissent à la nage.
    La place est reprise par les Mexicas, acharnés. Puis reprise par Cortés, puis perdue à nouveau.
    Deux jours plus tard, « Don Fernando » envoie 30 000 guerriers en renfort.
    Pendant le répit, les fossés comblés etc. ont été à nouveau détruits. « Ils ne se rendront pas. Ils vont au massacre. Tant pis. » Ils tirent tellement qu'ils risquent de manquer de balles et de poudre.
    Cortés décide d'en finir. Ils s'enfoncent loin dans la ville, jusqu'à la grande place, il brûle le palais où ils avaient vécu, naguère.
    Alvarado essuie une défaite, par enthousiasme, en allant trop vite vers le marché, par orgueil, pour devancer Cortés. Des hommes sont fait prisonniers.
    Cortés reprend l'assaut (le lendemain ?), remonte au nord jusqu'au marché de Tlatelolco. Mais ça se passe mal, il est repoussé. Cortés se retrouve piégé dans Mexico, les digues coupées derrière lui. Sa garde rapprochée parvient à l'extraire, blessé. Nombre d'Espagnols sont faits prisonniers lors de ce revers. Ils seront sacrifiés.
    Cuauthemoc et ses lieutenants.
    Il les encourage à résister jusqu'au bout. Ils doivent accepter de mourir pour le Mexique...
    Il convoque Tlapaltecatlopochtzin et le faire couvrir des armes de Quetzalcoatl, censées faire fuir les ennemis « elles ont appartenu à mon père, tu vas t'en revêtir et marcher au combat avec elles. On te confie aussi l'arc et la flèche de Uitzilopchjtli, reliques sacrées gardées au temple.
    Cortés sait qu'un de ses lieutenants et le jeune chef Texcalan Xicotencatl fomentent un complot contre lui. Il les fait pendre en public tous les deux, et se dote d'une garde rapprochée de 6 hommes absolument sûrs.
    Cuauthemoc a envoyé dans les villages des messagers avec les têtes des chevaux pris comme preuve de sa grande victoire.
    Expédition dans une ville reprise par les Mexcicas. Un des capitaines Texcaltèques, Chichimecatl, emporte sans l'aide des Espagnols, une barricade.
    On le presse d'en finir. De prendre coûte que coûte le marché, à partir duquel toute la ville tombera. Mais Cortés voit que les Mexicains se sont puissamment retranchés et sont résolus à mourir. Chaque maison devient une forteresse entourée d'eau.
    Cortés a failli être emporté, sans le sacrifice d'un jeune soldat, d'un de ses pages, Cristobal, de plusieurs chevaux. Il est blessé à la jambe. 40 Espagnols tués ou emportés. On les sacrifie à la vue des combattants.
    « désastre permis par Dieu, pour nos péchés. »
    Dans la troupe, on se désespère. La situation est critique, d'autant plus qu'il faut porter secours à des villages extérieurs, alliés menacés.
    Depuis leurs postes, les soldats doivent assister le lendemain au sacrifice de leurs compagnons, cœurs arrachés, membres découpés, têtes tranchées balancées depuis les barricades…
    Les pluies tropicales se mettent à tomber, donnant de l'eau aux assiégés. Cortés envoie des messages pour exhorter à ses rendre. Rien n'y fait.
    Tlapaltecatlopochtzin réussit à mettre en fuite quelques Espagnols, récupérer des larcins en haut d'un temple. Puis on en n'entend plus parler.
    Cortés décide de détruire la ville, maison par maison, pour éviter d'en faire des fortins à la moindre retraite. Les Mexciains se moquent d'eux : « Allez-y, détruisez, de toute façon, même si nous mourons, les Espagnols vous les feront rebâtir. »
    Cortés : « Tu te souviens, Alvarado ? De notre éblouissement quand nous avons vu, au loin, cette immense capitale, flottant au dessus du lac ? Peuplée, riche, colorée… Nous en étions muets d'admiration. »
    La situation est intenable. Cuauthemoc, qui avait promis de mourir avec ses hommes, est surpris fuyant la capitale à bord d'une petite embarcation avec sa famille. Une autre version est qu'il s'est rendu de lui-même, en grand apparat, à Cortés.
    Fin juillet, Mexico est reconquise.
    Mexico est livrée après 3 mois de siège. Le sac de la ville est horrible. On viole, on pille, on marque les indiens au fer rouge, aux armes de Charles Quint.
    Que fait Cortés, à ce moment-là ? Il est dépassé par cette conclusion pourtant prévisible, mais ne peut rien faire pour calmer la fureur de ses hommes et leur désir de vengeance.
    Tlatelolco. La délégation espagnole avance parmi les monceaux de cadavres dans une puanteur épouvantable.
    Sous un dais aménagé, Cortés et Marina reçoivent les dignitaires, en tenue d'apparat ; Cuauthemoc pour Mexico et d'autres rois et conseillers. Ils déposent tous les trésors qu'ils possèdent. Cortés : « C’est tout ? Et l'or que vous nous avez repris pendant notre fuite ? Tout le trésor de Moctezuma, où est-il ? »
    « Nous n'avons que cela. Nous pensions que vous aviez conservé l'or. »
    « Réunissez tout ! Il me faut l'or tout entier. »
    « Si quelqu'un a repris ce trésor, nous vous l'apporterons, mais pour l'heure, c’est tout ce que nous avons. »

    Etc .

    Autre contrainte, puisque nous sommes dans une BD : la pagination. Je me suis donné 8 planches pour raconter le siège. C'est relativement confortable, mais si vous connaissez un peu ce médium, vous savez que les scènes d'action (si on les détaille et qu'on ne se contente pas d'une illustration légendée, genre : « la bataille dura trois jours... ») sont particulièrement gourmandes.
    Ce que je dois retenir (et je vais vous laisser avec ça, parce que ce billet est déraisonnablement long), c'est, a minima :
    1- la dynamique du récit. En l'occurrence : Les deux albums conduisent à cette fin, cette apocalypse. Ces pages sont l'accélération finale pour chaque individu et pour les forces en présence. Elles doivent entrer dans le mouvement global du récit, en être à la fois le paroxysme et préparer la conclusion (nous sommes dans les pages 34 à 41, pour un album de 45 planches).
    2- La dramaturgie intime des personnages principaux : Cortés, Marina, Cuauthemoc, Alvarado, Diaz.
    3- Le point de vue plus général sur ce qui a motivé tout le projet de la BD : la finalité de tout ça. Comment penser désastre et victoire quand on sait l'avenir ? Quelle lecture s'autoriser, quelle leçon tirer de ces événements ?

    Voilà, c’est un peu comme ça que j'avance mes machins. C'était pour vous laisser jeter un œil en coulisses.

  • 3826

    Tenochtitlan est tombée au terme de plus de trois mois de siège, après une héroïque défense des Mexicains, aiguillonnés par leur chef Cuauthemoc. Cortés raconte comment les derniers résistants pleurent derrière leurs barricades : ils préféreraient se rendre, mais leur Uey Tlatoani, leur Orateur Vénéré, leur roi (lui-même poussé dans cette impasse par les religieux, selon Bernal Diaz), le leur interdit. Quelques semaines encore et, en août 1521, c'est la débandade. Les Aztèques, décimés par la variole, la soif, la faim, les combats incessants, abandonnent. Et là, les récits divergent : dans celui de Sahagun, écrit d'après les témoignages faits en nahuatl, la langue aztèque, Cuauthemoc se rend de son propre chef, en costume d'apparat, à Cortés. Dans celui de Cortés, un capitaine de brigantin (un gros bateau construit pour naviguer sur le lac), découvre le roi avec ses dignitaires, en train d'essayer de se carapater honteusement sur une pirogue, au milieu des milliers d'embarcations de civils qui fuient (mais Cortés ne se permet pas de parler de fuite, il relate seulement ces faits en précisant le nom du capitaine qui capture le roi). Bernal Diaz ajoute, à un récit encore plus détaillé de cette prise, une anecdote crédible : la brouille du capitaine avec son commandant Sandoval pour savoir à qui revient le mérite de ce fait d'armes décisif (et donc la récompense afférente).
    Dans ce passage, comme dans d'autres qui racontent la conquête du Mexique, la version espagnole est souvent considérée comme suspecte car l'histoire est écrite par les vainqueurs, on le sait bien. Cependant, dans la plupart des cas, au fil de l'écriture du scénario que je suis en train d'achever, je dois admettre que, si je suis pourtant attentif aux versions des vaincus, je reviens presque toujours aux versions espagnoles. Pourquoi ? D'abord parce que, souvent, les textes nahuatl n'apportent guère d'informations intéressantes (ils ont obstrué tel passage, un tel a revêtu tel costume sacré pour combattre). Ensuite et tout simplement parce que Diaz ou Cortés ont vécu ces moments, tandis que, hélas (puisque cela dit aussi l'immense hécatombe de ce peuple), les témoignages aztèques sont rares, et sont des recensements par ouï-dire. Il n'y a pas de témoin direct, et je vous assure que cela se sent, à la lecture. Ce qui n'empêche pas de rester prudent : si Cortés en rajoute sur sa bonne volonté, sa magnanimité envers ses ennemis, Diaz ne le loupe pas sur certains aspects peu glorieux de sa personnalité : sa cupidité, sa cruauté parfois, son côté roublard, ses promesses à peu de frais, son impétuosité qui fait prendre des risques inconsidérés. Je veux dire, en conclusion, qu'il peut arriver que les textes des vainqueurs soient plus fiables que ceux des vaincus.
    Quant à l'hypothèse que Diaz et Cortés soient la même personne, selon la brillante démonstration de Christophe Duverger, les nombreuses lectures que j'ai faites des deux relations m'interdisent d'y croire.

  • 3822

    HighFlight-Parachute8-1024x862.jpgFranz Reichelt, vous le connaissez, c’est ce pauvre diable qui obtint l'autorisation de se jeter du premier étage de la tour Eiffel, en 1912, pour tester son parachute. L'enjeu est important, à l'époque, pour les premiers aviateurs qui n'ont aucune possibilité de s'en sortir quand leur appareil se vautre, ce qui est fréquent. Reichelt est resté célèbre parce que les actualités cinématographiques Pathé ont immortalisé le moment dramatique, et grotesque à la fois, de son saut dans le vide et de son atterrissage fatal. En repensant aux images de ce reportage, il m'est apparu un détail qui, à ma connaissance, n'a jamais été relevé. J'ai visionné à nouveau le fameux document et pu vérifier mon intuition. Voici : le reportage Pathé est composé de trois plans (je ne compte pas ceux qui suivent l'accident), un plan préalable, qui présente l'inventeur au sol avant son essai, un deuxième est pris sur la plate-forme. On le voit, perché sur un échafaudage précaire fait d'une chaise, d'une table et d'un tabouret, ausculter son parachute, vérifier les plis, hésiter à sauter. Il y a un témoin frigorifié (on est en février) et un assistant à côté de lui, dont on ne sait s'il l'encourage ou s'il tente de le raisonner. La caméra tourne sur son axe pour légèrement 'panoter' à gauche et capter l'essor de l'aéronaute. Reichelt saute. La suite de la chute est enregistrée par la troisième caméra, un plan réalisé depuis le bas de la tour, assez loin. Revoyez ces images. Rien ne vous frappe ?
    Ce dernier plan, c'est la preuve d'un cynisme absolu. Deux caméras, en 1912, c'est à peu près tout le matériel que les actualités Pathé pouvaient engager sur un seul événement, à Paris. Les cameramen ont donc fait le choix suivant : l'un filmerait le départ du saut, l'autre, la fin. Revoyez le plan. La deuxième équipe a cadré le bas de la tour, dans l'axe. Si, comme il l'espérait, Reichelt avait pu ralentir sa chute, le vol plané ne se serait sans doute pas fait en ligne droite. Les caméras sur pied étant peu mobiles, il aurait donc fallu prévoir un plan plus large, si possible de biais, pour être sûr de tout capter. Or, les reporters ont parié sur la chute sans rémission, verticale et franche, et ont placé leur objectif en fonction de cette hypothèse. Ils ne se faisaient aucune illusion sur l'issue de l'expérience. Imaginez les caméras de télévision de la première mission Apollo, tournée obstinément vers le sol avec un objectif grand angle, en attendant l'échec inéluctable de l'envol. Reichelt aurait dû observer les choix de prises de vue des cadreurs, pour mieux calculer ses chances.

     

     

     

     

     

  • 3816

    En avant-première, un extrait du scénario de la BD "Cortés" pour Glénat. Dessin Cédric Fernandez, couleurs Franck Perrot. Histoire de montrer, en coulisses, comment c'est fait, un scénar de BD (en tout cas, comment je les écris, moi). Quand Cédric aura avancé sur la première planche, je reviendrai montrer les différentes étapes de réalisation, avec son accord. En attendant qu'on mette sur pied un site dédié. Les [] indique une vignette facultative (parce que le découpage est dense, ici).


    Planche 3

    Légende : San Juan de Baracoa, Cuba. 1517.

    Intérieur jour. Chambre de Leonor. Le soleil irradie un rideau de drap blanc, tendu devant une fenêtre. Quelques éléments précieux aux murs, tableau et tenture, des coffres sur le plancher, ouverts sur des robes pliées aux motifs complexes. Le reste est assez sobre.

    1- Leonor (belle femme de type indien : c'est une Taïno de Cuba) nue étendue sur un lit défait. Elle fait jouer entre ses doigts un collier superbe : « Hernan… tu es complètement fou. » Un homme est assis près d'elle, il se rhabille. Il est à contre-jour sur l'écran de la fenêtre. C'est Cortés (il a 32 ans) : « Ne l'ébruite pas. On me croit le plus sage des hommes. »

    2- Leonor : « Je suis sûre que tu offres les mêmes bijoux à ta femme. Exactement les mêmes. »
    Cortés : « Tu es jalouse ? »
    Leonor, moqueuse : « Non, je m'interroge sur ton sens moral. »

    3- Cortés : « Catalina me fatigue en ce moment. Elle veut me retenir. »
    Leonor : « Si je t'aimais vraiment, moi aussi, je t'empêcherais de partir. »

    [4- Cortés : « Heureusement que tu ne m'aimes pas vraiment. »
    Leonor : « Heureusement. Je serais folle d'inquiétude. »]

    5- Cortés : « Léonor… Je n'ai pas le choix. La proposition de Diego Velasquez ne se refuse pas. Une expédition à la gloire de la Couronne... »

    6- Léonor : « Allons ! Je te connais. Tu ne peux pas résister à l'appel de l'aventure. Sinon, tu serais resté en Espagne. Un courtisan en vue, un ministre du roi, qui sait ? Rusé comme tu es. Avec le sens moral qui est le tien... »
    Cortés : « Mon sens moral te préoccupe beaucoup, décidément... »

    7- Leonor : « … Mais son absence, chez toi, me rassure, hi hi. Allons, je sais bien que ton encomienda de San Juan n'est pas assez grande pour toi, ni La Havane, ni Cuba, ni l'Espagne. »

    8- Cortés se regarde dans un miroir : « Je ferai mieux que Grijalva ou Cordoba. Je prendrai langue avec les autochtones, je marchanderai, je bâtirai un pays nouveau, avec eux. Je serai riche, affranchi de tous les gouverneurs et empereurs. Et alors, tu me rejoindras, avec notre fille. » Leonor : « … Et ta femme ? Aha, ton sens moral, Hernando, ton sens moral ! »

  • 3810

    Les notions d'histoire, la culture générale, ma foi, ça peut toujours servir. En cas d'épidémie, pour se souvenir de celles qui passèrent et des effets qu'elles eurent ; en cas d'attaque terroriste, pour mettre en perspective les données géopolitiques ; en cas de racisme, pour expliquer qu'il n'y a plus qu'une espèce humaine sur la terre, une seule. Par exemple. Par exemple, rappeler à ceux qui assimilent Charles Martel à la défense de l'occident chrétien, qu'au Moyen-Âge, le même était considéré comme maudit, grand pilleur sans scrupules des biens de l’Église, et qu'on dit que son tombeau s'ouvrit sur un dragon noir, puant, symbole du mal qu'il fit. Prenez, ça peut aider.

  • 3760

    Makapansgat-pebble-Makapansgat-South-Africa_University-of-Witwatersrand_copyright-Brett-Eloff_1-819x1024.jpgEn Afrique du sud, un jour de 1925, on découvrit ce galet à côté des ossements d'un australopithèque. Caprice naturel, sa forme évoque un visage. Les yeux, la bouche entrouverte sur une denture équivoque (riante ou menaçante)… même sa composition de jaspe rouge foncé pouvait paraître à son propriétaire une imitation de la couleur de sa peau. Ce qu'il est essentiel de rappeler, c'est que l'australopithèque est un hominidé qui a vécu il y a entre trois et quatre millions d'années, soit un ancêtre lointain et possiblement non-direct, à peine un cousin éloigné, une autre humanité disparue sans que nous en ayons hérité le moindre caractère. Sauf que… le galet de Makapansgat témoigne à l'évidence d'une pensée symbolique. Ce que sous-entend cette approche est vertigineux : la pensée symbolique serait une construction inhérente au genre hominidé, sapiens ou pas, et née avec l'origine de notre espèce. Ce n'est pas une conquête de notre cerveau, nous avons hérité de l'art sans le moindre effort et ceux qui nous ont précédés, qui ont peut-être cohabité avec nos propres ancêtres, en possédaient également le sens. L'abstraction était dans notre berceau, un cadeau dont nous avons mêlé les possibles usages : l'art et la religion, puisque les deux sont affaire de symboles, essentiellement. Plusieurs millions d'années… Sommes-nous parvenus au stade où nous pourrions enfin démêler les conséquences d'un tel héritage ?

  • 3750

    « Le sort dans la bouteille » est une commande, une pièce écrite à l'origine pour être interprétée par un seul comédien : François Frapier (qui fut naguère, un exceptionnel Dédale, dans « Pasiphaé »). J'avais imaginé pour lui un personnage, mauvais et impatient, houspillant le public qui ne s'installe pas assez vite, et presque pressé d'en finir. François aurait interprété tous les rôles, commentant les faits et les actes, et sommant le public d'approuver ou de protester.
    L'histoire qui inspire ce spectacle est bien connue des romorantinais. C'est un fait-divers de la fin du XIXe siècle, en Sologne : l'assassinat d'une pauvre vieille par sa fille et son gendre, paysans convaincus de se débarrasser du sort qui s'acharne sur eux, en la faisant brûler vive comme une sorcière. Les deux finiront décapités, sur la guillotine installée devant l'hôtel de ville de Romorantin.
    La très belle idée de François a été de chambouler le parti pris initial. Il a confié « Le sort dans la bouteille » aux élèves de son « atelier 360 degrés ». Deux poignées de personnalités, un concentré de jubilation et de curiosité, qu'il a emmené dans ce projet pendant plus d'un an. D'abord, il les a invités à considérer le texte comme une matière à creuser, à malaxer, à domestiquer, à s'en servir aussi de malle au trésor : allez y chercher des pépites, des colliers, des masques, y fouiller les intentions, les mots, les cris, les éclats et les ombres. Une démarche déstabilisante pour qui aborderait le théâtre de façon conventionnelle : distribution des rôles, apprentissage, exploration des personnages, costumes et décors... Là, les comédiens, tous amateurs, ont d’abord dû errer dans l'épaisseur du verbe, comme s'y baignant, s'y égarant parfois. Période difficile, m'ont-ils confié. Difficulté voulue par le metteur en scène. Et puis, lentement, la pièce a émergé, récit choral, voix dépliées, reprises, personnages échangés, prières, colères, peurs, haines, cocasseries et drames… les comédiens se sont appropriés les mots.
    J'étais récemment invité à la première représentation du texte, une forme hybride entre interprétation et lecture, une forme vivante, en voie d'achèvement. Expérience passionnante. On ne voit plus tel ou tel, tous les personnages sont comme fragmentés et se reconstituent sous nos yeux, par la magie de l'incarnation à plusieurs.
    La salle de la MJC était pleine, la chaleur vite étouffante. L'idée de faire brûler une mèche de cheveux dans un des rares moments « mis-en-scène » de la pièce (un rituel de sorcellerie dans la pénombre), a coloré le moment d'une âpreté bienvenue, tout à fait cohérente avec le propos.
    Pour le reste, la troupe s'est démenée, s'est amusée, a capté l'attention et suscité les réactions espérées, rires déployés ou gorge nouée. C'était bien. Et prometteur, car ce n'est qu'une étape : l'expérience sera poursuivie jusqu'à effacement du texte, appropriation et incarnation. Au delà d'une simple interprétation, grâce au travail en profondeur entrepris par François et sa troupe.
    Vous pensez bien que, pour un auteur, assister à cette ré-génération, ressemble à une déclaration d'amour. Et comme chaque fois qu'on a dit m'aimer, j'ai d'abord été incrédule, avant d'être soulevé de reconnaissance.
    Merci François, merci les amis.

  • 3749

    Résumons : nous n'étions pas destinés à apparaître, mais constatant que nous sommes là, impossible de ne pas essayer de savoir pourquoi. Dire que les religions sont le produit de cette irrémédiable démangeaison du cerveau !

  • 3748

    "Désirée qui avait, elle aussi, mangé sa soupe, sérieusement, sans ouvrir les lèvres..."

    Emile Zola, La faute de l'abbé Mouret, cité par J-Cl Carrière et Guy Bechtel, dans Dictionnaire de la bêtise (Robert Laffont Bouquins, 1998).

  • 3739

    D'accord, je ferais mieux d'écrire, mais si je passe pas mal de temps sur Youtube, c'est au contact de chaînes que j'estime d'utilité publique, ou sinon, au moins, passionnantes. J'ai décidé de vous faire un petit florilège.

    D'abord, il y a les youtubeurs zététiciens qui s'évertuent à nous offrir les outils critiques pour trier le bon grain de l'ivraie au milieu du déferlement d'informations auquel nous sommes confrontés quotidiennement. Toutes ces chaînes sont soigneusement réalisées, elles suivent une déontologie claire (liens vers les articles et les sources en description, prises en compte des critiques...)

    Le premier de tous, reconnu par ses pairs : Hygiène mentale. Dissection des biais de confirmation, des mille-feuilles argumentatifs, explications sur la charge de la preuve, les graphes bayésiens, l'argument d'autorité, etc. Une véritable leçon d'éveil pour tout citoyen.

    Défékator (on défèque sur les fakes), n'est pas le plus élégant, il utilise parfois un humour pénible, mais son auteur s'empare de fakes, de vidéos, de rumeurs, de légendes urbaines, et surtout décrit les techniques qui lui permettent point par point, de remonter aux sources,  de situer, de dater, et démonte ainsi les mèmes les plus sophistiqués. Au passage, on apprend toutes les possibilités d'utilisation de la puissance de Google. Si ces techniques étaient apprises dès le collège, le complotisme n'aurait pas la même capacité de nuisance.

    La Tronche en biais. Vled Tapas et Acermandax coopèrent pour déconstruire les propos pseudo-scientifiques qui polluent la toile. Leurs émissions sont parfois très longues, densité et sérieux du travail obligent. On peut prolonger le plaisir de se sentir moins bêtes en lisant leurs ouvrages, nombreux.

    Il y a pas mal de Belges intéressants, sur Youtube comme ailleurs. A l'écouter, Mr Sam. est l'un d'eux. Ses "Points d'interrogation" sont toujours bien écrits, rigoureux, comme tous ceux que j'évoque ici.

    Max est là aborde des rivages de Youtube qui, sans lui, me seraient restés inconnus : des enfants jetés en pâture par leurs parents, des crétins incultes qui donnent des leçons de magouille, des arnaqueurs, des influenceurs inconséquents, vantant les vertus de contrefaçons, etc. Le travail de ce type-là devrait être suivi par les pouvoirs publics, je vous le dis.

    Toute cette communauté qui a pour but de ne pas s'en laisser compter et de décortiquer les méthodes des charlatans et profiteurs de la crédulité des autres, viennent parfois au secours d'un de ces vaillants combattants de la bêtise. En l'occurrence, récemment, Clément Freze, mentaliste de métier, avait piégé un médium célèbre : Bruno (qu'il ne se permet jamais de traiter de tricheur, mais la démonstration est éclatante). Le médium a fait "striker" sa vidéo, aussitôt reprise et relayée par les zététiciens du web, dans une magnifique illustration de l'effet Streisand.

    Les émissions scientifiques de qualité se font rare sur les chaînes de la TNT (il y en a encore, mais on peut s'estimer trop peu nourri). Je vous livre ici quelques unes de mes adresses favorites. Vous pouvez y aller, c'est vraiment du tout bon.

    Dirty Biology qui vous amène parfois à nous interroger sur les limites de notre identité (jusqu'à quel point, biologiquement, sommes-nous nous-mêmes ?), Le Vortex (plusieurs Youtubeurs, dont certains cités plus haut, cohabitent et combinent leur savoir pour compléter, enrichir, argumenter, préciser un sujet. C'est drôle, c'est vif, c'est passionnant), Micmaths (de Mickaël Launay, c'est assez pointu, pour de la vulgarsiation, mais ça reste accessible, même pour un incapable comme moi), e-penser, Science étonnante (bon, je ne suis pas souvent au niveau, mais pendant quelques minutes, j'ai l'impression de comprendre et je me dis qu'il en reste toujours quelque chose...) Nota Bene (célèbre chaîne d'histoire aujourd'hui, mais que je suis depuis ses débuts). Axolot explore l'étrange mais refuse le sensationnalisme, il voyage parfois et ses "escales" sont de véritables guides des chemins de traverse. Astronogeek est un dur à cuire et un fort en gueule, il peut facilement s'énerver contre les journalistes approximatifs aux articles putassiers, et il choisit souvent les titres de ses vidéos pour piéger les complotistes (la terre est plate, on n'est jamais allé sur la lune, etc.), pour démontrer exactement l'inverse de ce que les visiteurs ont cru trouver chez lui. Mais démonstrations rigoureuses, sourcées, réalisation sans effets. Comme tous les zététiciens évoqués ici : du beau travail.

    Il y en a beaucoup d'autres, tout aussi riches et passionnants, mais ils sont en général en lien avec ceux qui précèdent. Une véritable communauté de la pensée critique, vitale en ce moment.

    Je finis avec deux chaînes littéraires des plus pertinentes, l'une est orientée vers le public enseignant et les élèves : Mediaclasse. Les livres des différents programmes, leur résumé, des méthodes pour les analyser, même la voix de l'auteur et l'iconographie pour accompagner le propos...  la perfection est de ce monde. On pourra aussi se régaler avec L'alchimie d'un roman, chaîne d'un certain JP Depotte, qui décortique les œuvres, classiques surtout mais pas que, en s'appuyant sur une théorie des quatre éléments. Ça fonctionne, c'est vivant, pertinent, intelligent, une excellente initiation à l'analyse littéraire.

    Voilà, c'était un post un peu particulier aujourd'hui. Depuis le temps que je suis ces auteurs, je trouvais dommage de ne pas faire partager mon plaisir. Partout, décidément, il y a des gens qui œuvrent pour le bien commun.

  • 3694

    Et si Ulysse tardait à rentrer parce qu'il avait peur de coucher avec sa femme ? Le lit conjugal, ultime épreuve de l'Odyssée, menace de nouveau naufrage, irrémédiable celui-là.

  • 3691

    Le salon du livre de Saint-Etienne s'appelle "La Fête du livre". Réjouissons-nous donc, même si c'est dur à prononcer (joui-sson-nou-donc).

    J'y suis invité et, joie supplémentaire, sur le stand de la librairie "Le Quartier Latin", au côté de Jean-Noël Blanc. J'y défendrai les couleurs de mon petit dernier "Mines, rives et Minotaure", coédité par Le Réalgar et la Ville de Saint-Etienne. Un texte inspiré par mon séjour (une résidence d'auteur), de plusieurs mois dans ladite cité.

    Il sera justement question des relations entre Saint-Etienne et l'écriture lors d'une table ronde, en compagnie de l'excellent Lionel Bourg et d'autres auteurs (non moins excellents sans doute, mais dont je n'ai hélas rien lu) : Pierre Mazet, Grégory Mazenod et Jean-Louis Pichon. Nous tenterons de cerner les conditions par lesquelles Saint-Etienne est une ville romanesque. Pour cela, c'est la prestigieuse Ecole nationale Supérieure d'architecture de Saint-Etienne qui nous accueillera (et je m'aperçois qu'il vaudrait mieux que je commence à songer à y dire des choses intelligentes). Samedi 19, à 11h30.

    Et, en dehors des interviews sur RCF et France Bleue, on pourra me retrouver au Musée de la Mine pour une lecture-déambulation-rencontre, le samedi à 14 heures, et le dimanche à 10 heures.

    Le reste du temps, dès vendredi 15 heures, je serai, gentil et patient, sur le stand du Quartier Latin, pour signer des livres, comme il se doit, et ce, jusqu'au dimanche 18 heures (ou jusqu'à ce qu'on me dise "faut y aller maintenant, hein ?").

    Enfin, comme j'aurai un peu de temps vendredi, je compte bien rendre une petite visite au salon des éditeurs, une sorte de méga-off, à la bourse du travail.

  • 3680

    Au bout du discours de Zemmour, il y a les camps, comme il y eut les camps au bout des mots de Drumont, antisémite notoire. Anticipant sur cette perspective menaçante, j'avais écrit « Demain les Origines » dont un des axes narratifs est un génocide des musulmans sur plusieurs continents. Un roman assez monstrueux dont le seul premier volume est plus massif que « Les Nefs de Pangée ». La première lectrice de chez Mnémos, qui l'a eu en charge, n'est pas convaincue. Le verdict du directeur de publication suivra sans doute son avis. Ce long travail va donc rester s'empoussiérer dans les boîtes noires de mon bureau. Je ne proposerai pas ce texte à un autre éditeur, parce qu'il est spécialement dédié à Mnémos (« Demain... » faisant surtout le lien entre « Mausolées » et « Les Nefs », parus chez eux). D'une certaine façon, il y avait une urgence à publier ce livre, non que j'espère le moins du monde que ses imprécations changent quoi que ce soit, mais une petite vanité au fond de moi insistait : j'avais entrevu le futur et la publication du roman le certifierait.
    Dans le domaine de l'imaginaire, mon terrain serait celui de la Fantasy, paraît-il. On m'encourage à m'y consacrer. Pourquoi pas ? Tout genre est potentiellement politique, universel, porteur d'engagements et d'idées. Mais pour tout dire, en ce moment, pas le goût...

  • 3674

    Et si le mouvement des gilets jaunes était l'un des derniers soubresauts de l'ère automobile ?

  • 3670

    « Je ne pus croire qu'on eût découvert dans le monde un pays comparable à celui où nous étions. Aujourd'hui, toute cette ville est détruite et rien n'en reste debout. »
    Bernal Diaz del Castillo. La Conquête du Mexique.

  • 3654

    On n'est pas surpris que l'assassiné, sur scène, se relève pour saluer son public. C’est ce qu'a fait l'acteur Jésus, en fait. Mais lui, pardon, quel succès !

  • 3639

    Nous attendions en discutant, l'entrée sur le plateau d'une télévision locale. Cela formait un groupe de personnes bien mises, des responsables de structures départementales ou régionales, une minuscule élite de province. Des instruits qui parlent avec aisance. L'un d'eux, amoureux de l'histoire, écrivain à ses heures, révèle qu'il travaille sur les ancêtres de sa famille. L'un de ses auditeurs, dans notre groupe, réagit : la généalogie l'intéresse, mais il a préféré commanditer ce travail à un expert. « Et bien figurez-vous que je suis le descendant d'un pharaon égyptien ! » Je ne peux retenir un rire de sarcasme. Il m'interroge. Je lui explique alors qu'aucune archive de filiation ne remonte si loin. « Déjà, s'il vous avait vendu des ancêtres au XIIe siècle de notre ère, ce serait largement suspect, mais faire un bond de 2 à 3000 ans supplémentaires ? » Après quelques minutes de démonstration, notre héritier du Nouvel Empire comprend que son généalogiste est un escroc. Je ne pensais pas l'attrister aussi profondément. Comment, au XXIe siècle, un responsable d'organisme important, sans doute cultivé, peut avaler une telle couleuvre ? Et pourquoi je pars au quart de tour pour dénoncer une telle bêtise ? Constater la domination de nos petites vanités sur la raison me révolte, au fond. Parce que cet abandon de la réflexion me menace, comme tout le monde, je suppose.