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Retour de bringue

A cinq dans la twingo, tous excités par l'effet de groupe (vous savez ce que c'est), mais pas encore éméchés, c'est juré, ils étaient partis pour un samedi soir comme les autres, boîte, musique, danse, etc. trois garçons, deux filles, dont une que je connais, excusez-moi, le genre fine mouche, brillante, drôle et tout. Une futée, et cultivée avec ça, et grande voyageuse, etc. Tous jeunes, bien partis dans le délire. On rigole on vanne, on déconne. 50, vitesse réglementaire, la voiture approche du pont qui enjambe le fleuve. Dans les phares, le panneau qui vante les attraits de la ville (ses commerces, ses villes jumelées, enfin, tous les mêmes, vous connaissez), leur apparaît comme incertain, brouillé ; Un silence épais, aussi soudain que non concerté, plombe l'ambiance hilare dans l'habitacle. Personne ne dit plus rien, personne n'échange un regard ou un geste. Le panneau grandit dans les phares et de la même manière, se dessine plus nettement la chose qui trouble la perception de l'affichage, derrière elle. C'est une forme humaine, c'est quelqu'un. C'est quelqu'un ? S'interrogent les passagers intérieurement. C'est quelqu'un, un homme debout, le visage incertain, mais c'est une silhouette transparente, vaporeuse qui, dans un changement de lumière des phares, s'atténue et disparaît. La voiture dépasse le panneau, elle est sur le pont, le franchit, aborde la ville. A l'intérieur, la tension faiblit. On commence à se parler. Plus du tout envie de rire, mais on ose dire : « Tu as vu ? » On ose répondre : « J'ai cru voir quelqu'un debout, mais le visage était indiscernable » (enfin, personne ne dit « indiscernable » on dit : « je voyais pas le visage, c'était une tache »). Ce qui est sûr, c'est que tout le monde a ressenti le même soudain malaise inexplicable, le même accablement, la même tristesse sans objet. La nuit en boîte emporte pourtant l'étrange apparition. La vie reprend son cours jusqu'au lendemain où les journaux apprennent aux fêtards qu'un homme s'est suicidé en se jetant dans le fleuve depuis le pont. Pas besoin de lire l'article pour savoir à quelle heure de la nuit le triste drame s'est déroulé.

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