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D'un côté comme de l'autre

Sans doute sous l'influence d'émissions comme « un dîner presque parfait », les repas sont maintenant l'occasion pour chacun de produire une petite prestation, selon ses capacités. Les miennes étant réduites, j’ai cherché dans quelle discipline je serais le plus à l’aise. J’ai écarté d’emblée l’emploi du cor de chasse pour lequel je n’ai aucune disposition, la déclinaison des verbes kalmouks, généralement ennuyeuse, et le modelage de mes propres excréments, pratique originale certes, mais diversement appréciée.

Bref, mon choix s’est restreint, restreint, et puis j’ai trouvé : le domaine dans lequel j’étais capable de ne pas paraître trop gauche, concerne l'histoire de la recherche des caractères déterminants de l’orientation d’une boule de billard français.

Voici une boule de billard français.

Boule_de_billard.jpg

 

 

 

En l’occurrence, une boule blanche.

Voici une face,

Boule_de_billard.jpg

 

 

en voici une autre.

Boule_de_billard.jpg

 

 

Comme vous pouvez le constater, malgré tous les efforts du fabricant, rien ne permet de distinguer son côté gauche de son côté droit. C’est là un problème auquel ont été confrontées de nombreuses générations de joueurs, et que plusieurs scientifiques ont tenté de résoudre. Si la physique nucléaire a fait naître un temps l’espoir d’une solution, force est de constater que toutes les expériences se sont soldées par des échecs. Rappelons quelques unes de ces expériences.
La solution de Samuel Jonze Barclay, en 1728, est originale et simple. Il s’agit de désigner arbitrairement un côté, comme le côté gauche, par exemple, qu'on prendra soin cependant de déterminer en fonction de la gauche et de la droite de sa propre personne. Barclay suggère plusieurs solutions ensuite : exposer le côté gauche au nord, au fond d'une forêt humide, très longtemps, de façon à favoriser le développement de mousse, couper la balle en deux, ou d'autres méthodes que j'admets n'avoir pas comprises.
La solution de Brice Boulaingrain est le suicide.
Vers 1900, Javier Toledano y Perez innove en suggérant que les côtés gauche et droit d'une boule sont au même endroit à l'origine, mais qu'une forte rotation opérée sur l'objet permet, par l'effet de la force centrifuge, de les séparer. Cependant, selon lui, la décélération puis l'immobilisation de la boule, ont pour conséquence une nouvelle fusion des deux côtés. La difficulté est donc de tenter l'application d'un marqueur efficace, comme un petit morceau de crotte de pigeon par exemple, pendant la période d'accélération maximum. La dextérité requise et la célérité d'exécution ont exigé le domptage d'une espèce particulière d'araignée, remarquablement véloce. Touchant au but, Toledano y Perez a dû renoncer cependant à son projet, le gouvernement espagnol lui refusant les 12 milliards de pesetas que nécessitait la fondation d'une école et la formation d'enseignants pour dompteurs, avant même de passer à la phase concrète.
1962. La solution de Maurice Charbonnier, plus connue sous le nom d'« expérience de Maurice » consiste à greffer un cerveau humain sur la boule, d'espérer lui donner ainsi une conscience et de lui demander ensuite, tout simplement, où se situe sa gauche. Maurice Charbonnier aurait tenté l'expérience sur lui-même. L'expression « expérience de Maurice » est utilisée dans le jargon scientifique pour évoquer une tentative désespérée, douloureuse et sale, de prouver qu'on a raison.
En 1988, la remarquable « hypothèse Montaigne » fait penser que la solution est enfin à portée de main. Le collectif de chercheurs regroupé sous ce nom se coltine à l'énigme et parvient, dès les années 70, à une première avancée, selon un point de vue radical : modifier la perception de l'observateur, et lui faire adopter une certitude arbitraire : « ceci est le côté droit », par exemple. L'écueil de l'hypothèse Montaigne réside dans la difficulté à faire cohabiter deux observateurs conditionnés mais d'un avis opposé. S'ensuivent maintes bagarres et injures, aboutissements désavoués par les concepteurs-mêmes.
Enfin, nous retiendrons la solution très nietzschéenne de Benoît Delporte-Voboisin. Opérant un transfert sémantique de l'expérience, le fameux joueur de billard la place sous l'éclairage philosophique et clôt la discussion d'un brutal, mais exutoire : « On s'en fout. »
Je ne saurais mieux dire.
Merci de votre attention.

Commentaires

  • Nervousse bréquedaonne?

  • ça y est je viens de poster ce passionnant dossier chez nos confrères de Science et Vie...

  • Ne perdrais tu pas un peu la boule?

Les commentaires sont fermés.