(C'était en hommage à une amie, il y a longtemps...)
Je la vois, la main aiguë comme une lame, l’oeil perdu dans l’abîme.
Sous elle frissonne un appel secret qu’elle est seule à comprendre. Le silence emplit l’air comme une respiration. Rien n’existe plus, l’univers se fait coquille autour de ses gestes doux.
Alors elle écarte les bras de son corps, lentement. Les muscles de ses jambes, puis son corps entier, l’élèvent une éternité d’instant, loin au coeur de l’espace et du silence. Tout se ferme autour d’elle ; que cette immense présence. Là, tout devient évident. Tout a la clarté du trait sur la page. Le temps se fige, captif. Elle est seule à pouvoir rendre aux vies le mouvement qu’elle a ravi.
Et puis, l’envol s’achève. La suspension de son geste a repris gravité et son corps se résigne à fondre vers l’abîme.
C’est l’étourdissement brutal. L’étreinte de l’eau, brûlante-glacée.
Tout est accompli. L’univers a retrouvé ses dimensions, le temps a rattrapé le temps, la vie a repris la parole. L’ivresse, ciselée par le travail du corps, a perdu sa noblesse, là-haut. Et je la vois, je te vois, cherchant vers le plafond parasité d’embruns, la trace indiscernable de ces gestes magiques qui t’ont fait croire une seconde, que le monde était pur.