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La nigelle de France - 3/4

La vue de Marcus se brouilla. Soudainement furieux, il se dressa sur la rive, s’assura de la fermeté du terrain et écrasa la maudite bestiole à grands coups de pieds libérateurs. Un frisson parcourait son échine. Il s’acharna sur les restes dispersés de la plante, enfouit en pesant sur eux, les pétales immaculés que son geste avait répandus sur la peau luisante de la tourbe. Son forfait accompli, haletant, halluciné, happé par le vertige de ses pulsations sanguines, Marcus hurla et, l’oeil hagard, scruta la sombre forêt, silencieuse et sévère, autour de lui. Il cria encore une fois, comme pour couvrir le tumulte de son coeur et effrayer le monde qui semblait juger son acte. Ivre, affolé, Marcus donna encore quelques coups de pieds rageurs au sol puis se précipita dans les marais.

Quand il regagna son campement, l’explorateur quitta ses cuissardes et en lava soigneusement les semelles qu’il inspecta ensuite longuement à la loupe, plusieurs fois, pour être certain de ne laisser subsister aucune souillure. Il reprit alors le chemin qu’il venait de parcourir pour masquer toute trace de son passage, estompant avec une pierre ses empreintes de pas, maquillant les cassures qu’il avait pu causer aux branches en se frayant son chemin, redressant même les brindilles écrasées, disposant subtilement des branchages aux endroits où son passage pourrait sembler trop évident. Ce faisant, il ne cessait de regarder autour de lui, inquiet, aux aguets, furieux. Il lui sembla, une fois, entendre un murmure. Il lança dans le vide quelques invectives, fouilla l’endroit d’où il avait cru provenir les voix, une forte branche à la main, puis, bredouille, revint sur ses pas.

Enfin, il entreprit de plier la tente et de ranger ses affaires. Il recouvra assez de calme pour téléphoner à son guide de venir le chercher et l’attendit, sagement assis sur un sac-à-dos, au milieu des valises qui contenaient son laboratoire ambulant. Il faudrait à son équipier environ deux heures pour le rejoindre. Marcus ne cessait de repenser à ses empreintes, aux restes toujours identifiables de la nigelle martyrisée et prit une nouvelle décision : incendier la forêt ! Car il existait sans doute encore quelques exemplaires de la plante dans les parages. Et si l’on en trouvait un jour, même par hasard, on devinerait que le scientifique de renom qu’il était, avec son expérience, sa ténacité, lui aussi... Et l’on murmurerait, et on le soupçonnerait d’avoir caché quelque chose. Son crime serait découvert. Alors qu’un bon incendie effacerait toute trace, éradiquerait de la surface de la terre ces petites saletés malfaisantes...

Convaincu, Marcus s’empara rapidement de l’essence du générateur qu’il n’avait pas encore utilisée et s’assura que son briquet se trouvait bien dans l’une des poches de sa veste de campagne.

Quelques dizaines de minutes plus tard et après de nombreuses tentatives infructueuses qui lui avaient valu de terribles instants d’angoisse, d’immenses volutes de feu tourbillonnaient entre les fûts des sapins, dont la sève surchauffée explosait sporadiquement

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