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Le seigneur de la rivière - Fin

Parfois, un pêcheur s’attardait sur son territoire. Christophe se cachait alors, immobile pendant des heures. Le pêcheur s’éloignait enfin, inconscient de la surveillance invisible qui ne l’avait pas quitté.

Un jour, alors que le jeune garçon, de l’eau jusqu’aux cuisses, s’étourdissait du tumulte joyeux d’une cascade, des cris l’arrachèrent à son hypnose volontaire. On venait. Il se cacha derrière le gros rocher de basalte. Quelques minutes glissèrent lentement dans le vent et, enfin, des silhouettes colorées surgirent au détour de la rivière. C'étaient des enfants de son âge, garçons et filles, quatre ou cinq, pataugeant, s’éclaboussant, riant, courant puis trébuchant.

Le ventre collé au ventre du rocher, les ongles accrochés à la mousse comme à la crinière d’un cheval, Christophe patientait. Le groupe parvint au chaos de pierres, son territoire sacré, il décida d’intervenir, sûr de son effet. Il se dressa au sommet du rocher, devant les enfants tétanisés et rugit : “Que venez-vous faire sur mes terres ? Je suis le seigneur de la rivière.” Les enfants s’égayèrent en tous sens, paniqués, hurlants, désemparés. Ils disparurent.

Christophe était un peu déçu, il aurait aimé tout de même poursuivre un peu son rôle, entamer la conversation, expliquer aux enfants médusés sa lutte titanesque d’autrefois.

Ce soir-là, il rentra plus tôt que d’habitude. Sur le chemin, il souriait intérieurement en se remémorant la terreur comique des enfants. Bientôt il arpenta l'escalier qui menait à la maison. Il en poussa la porte, un peu plus violemment qu’il n’aurait voulu, ce qui surprit la famille, plongée dans une discussion mouvementée. Lorsqu’ils le virent, sa mère lança un hurlement de cauchemar avant de s’effondrer, blanche comme la mort, ses frères horrifiés se bousculèrent pour fuir par la fenêtre et son père courut chercher son fusil de chasse en criant des choses incompréhensibles.

Alors Christophe se vit dans la glace du vestiaire, à côté de lui : il était immense, noir, cornu, difforme et, au creux de ses orbites ténébreuses, deux yeux brûlants le scrutaient.

Il ouvrit la gueule sur un long grognement de bête.

FIN

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