La tolérance, ainsi devenue source de pouvoir et moteur de pouvoir -mais de juste pouvoir- s'organise, devient efficiente, elle renie la complaisance pour lui préférer l'exigence. Aux yeux de ceux qui tolèrent désormais, l'intolérance paraît une lâcheté médiocre, un faux-confort. Il est possible alors de lutter. La tolérance, forte d'être partagée, peut imposer ses idées par la force de la conviction. Sa force vraie c'est la persistance, la constante présence au long de l'histoire de ceux qui ne veulent pas croire que la haine est une fatalité. Elle gagnera, comme la mémoire, comme la justice, tant que l'humanité n'aura pas choisi de perdre.
On peut croire en une humanité gagnée tout entière par la lumière de la tolérance. Cela viendra vite, à peine deux ou trois mille ans, mais cela viendra, c'est inéluctable. Les races, les religions, les nations, les frontières, tout ce fatras hérité de la préhistoire se muera en un principe, vainqueur des guerres et du commerce ; un vaste système d'entraide et d'alliances, de soutien et de vigilance qui se nommera humanité. Mais une humanité nouvelle, occupée d'autre chose que des intérêts de sa vallée, de son village ou de son frigo ; une humanité définie par le regard serein qu'elle porte sur elle-même, et propre à changer, à se questionner, à interpréter les stigmates du chaos, les paroles de sa propre critique. Une humanité définie par sa capacité à se penser entièrement, sans exclusive. Cette humanité, soucieuse de la terre qui la porte, attentive aux droits des générations futures, consciente de son passé, nous la préparons, nous en sommes le germe adolescent.
Nous cheminons vers la maturité de l'espèce humaine, véritable et seule entreprise qui vaille qu'on y brûle son courage.
La tolérance sera la respiration de l'humanité devenue adulte.
Fin