La tolérance revient ou vient et s'instaure. On peut la croire gagnée, facile, inexpugnable puisque voulue, gage de paix entraînant la paix de la vie ; mais tout la menace, tout lui est contraire, tout lui est grippe ou couteau. Elle saigne ou pâlit au moindre mot. Il faut avoir pour la tolérance l'attention qu'ont les louves pour leurs petits. Protégée, elle sait devenir forte.
Alors, la tolérance s'apprend, se transmet, se communique. Elle circule, enfle, embellit avec le nombre. Elle enrichit en retour ceux qui l'ont éduquée. La tolérance s'impose avec le respect, elle s'entretient avec la compréhension. La compréhension multiple : des hommes, des choses et des faits. Elle induit l'apprentissage, la connaissance, la culture. Entretenir la tolérance c'est s'obliger à l'intelligence.
La tolérance, comme l'amour, c'est une dualité, la reconnaissance de quelqu'un qui te ressemble, des ressemblances qui préexistent chez l'autre. Cela veut dire bien se connaître, pour trouver en l'autre ce qui lui est propre et ce qui nous est commun.
Imprégné de tolérance, l'homme s'humanise, il participe du genre entier, il rejoint l'histoire des hommes et la fait sienne. Il accepte l'égale beauté des masques bambaras et des nymphes du Titien ; il écoute sans les refuser les chants de gorge esquimaux et les accents du dernier rap ; il est curieux de tout, aime s'étonner, cherche l'ivresse de l'émerveillement partout où l'autre s'est fait une place : au coin de sa rue ou bien aux antipodes ; son regard enrichit ce qu'il contemple, parce qu'il lui apporte aussi le sens d'une autre histoire, apprise d'un ami lointain. Il se tourne vers l'inconnu, vers le nouveau venu avec la confiance de l'expérience, avec la patience qui est nécessaire aux découvertes. Il attend de comprendre pour juger.
La tolérance, supportée, aidée, devient une force nombreuse, et sa fragilité originelle se cuirasse en s'étendant.