A la radio, l’autre jour, j’entends le conseil judicieux et valable pour tous, de Jean D’Ormesson à qui l’on demandait quoi faire pour être écrivain : « Lire et écrire », répondit-il. Lire et écrire. Peut-être : beaucoup lire (enfin, des choses exigeantes), écrire de façon mesurée (de façon exigeante aussi, tout simplement). Le problème est que ces deux activités complémentaires, essentielles, ne sont évidemment pas simultanées. Et, si l’on organise son temps pour se ménager les plus longues périodes d’écriture possibles, alors lire devient difficile.
Je ne lis en moyenne qu’un livre par semaine, en comptant des périodes de creux dans l’écriture (cela arrive). Là, je lis bouquin sur bouquin, je dévore. Romans, essais surtout, quelques documents et un peu de presse (et puis les textes des copains, qui sont persuadés que mon opinion peut leur être utile). Ensuite, quand je reviens à l’écriture, à cette discipline de deux heures d’écriture par jour et de dizaines d’heures dans le week-end, le temps dévolu à la lecture est radicalement réduit. En plus, dans ces périodes où je dois me concentrer sur chaque mot, chaque sonorité, j’évite de lire des auteurs au style trop marquant (je suis influençable), exit Céline, Gracq, Woolf, Proust, Michon… Ce n’est heureusement pas un interdit absolu, et avec l’expérience et une certaine maturité, l’influence est moins perceptible, mais tout de même, les premières phrases qui naissent après une journée passée chez Proust, rien à faire, c’est du sous-Proust. Je râle, biffe, reviens, détruis cet avorton et au bout d’un moment, voilà : le rythme s’établit, mon phrasé est au bout des doigts, la respiration est la mienne.
Du temps pour lire, donc. J’ai trouvé un moyen : comme je me rends au travail à pieds (en général, si ma douce ne parvient pas à me convaincre qu’elle peut m’emmener en voiture : il pleut, tu n’as pas le temps, tu es fatigué…), j’ai mis au point une méthode pour lire en marchant. Il faut aussi que le livre ne soit pas trop volumineux, pas trop lourd, que la typo ait une certaine taille. Quatre fois quinze minutes « utiles » par jour, soit une heure ; cinq heures par semaine. Encore un peu de lecture en arrivant, ou le soir avant de se coucher. Un livre en une semaine, garanti. Une autre forme de discipline.
Commentaires
Aha, la discipline à laquelle il faut s'astreindre pour réussir ses lectures. Des lectures "obligées" pour ma part en ce moment, mais difficiles aprés une journée de travail. Du lourd en plus cette année avec justement Céline, Grass, Simon, Diderot et beaucoup d'autres. La lecture demande une concentration extrême pour ne rien rater de ce qu'on essaie d'assimiler. Dur dur. Quant à la lecture en marchant, mes respects monsieur.
Simon, tu me diras : jamais rien lu de lui (je lis Robe-Grillet en ce moment, pas loin). Diderot, tu verras, merveille sur merveille.
J'ai fini Diderot en première lecture (supplément au voyage de Bougainville, excellent!). J'ai attaqué Céline mais c'est lourd pour le moment. Je vais donc prendre Simon et sa "route des flandres." Je te dirai...
Et aussi "Le charroi de nîmes" en ancien français. Je profite de ton blog pour lancer un appel. Si quelqu'un a ce livre, qu'il le dise. Plus dispo, qu'on ma répondu, et pas de réimpression prévue. Deux librairies m'ont dit cela. A confirmer.
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