Pour ceux qui ne me connaissent pas, il faut que je vous avoue ma graphomanie. Depuis des années, j'écris tout le temps. Enfin, dès que c'est possible. Ce qui finit par porter ses fruits : 7 ou 8 romans, des dizaines et des dizaines de nouvelles, des contes, des scénars de films et de BD, des pièces de théâtre, etc. Rien d'extraordinaire, d'autres font des tours Eiffel en allumettes. Quand j'avoue deux heures d'écriture quotidienne en moyenne, on me demande souvent comment je fais.
Deux heures par jour, ce n'est pas énorme. A une époque, je pense que c'était davantage d'ailleurs. Je suis seulement mieux organisé, plus efficace aujourd'hui. On apprend dans tous les domaines.
Jadis, chaque minute était arrachée au quotidien. Ma compagne de l'époque, malgré toutes ses qualités, ne me ménageait pas. Heureusement, je me levais plus tôt que tout le monde, beaucoup plus tôt qu'elle en tout cas, et j'écrivais avant de préparer le petit déjeuner aux enfants. A midi, je restais sans manger au service dans lequel je travaillais (ne pas manger à midi, quand on a pris l'habitude, ce n'est rien) et je bénéficiais d'une heure au moins de tranquillité absolue, de silence, de solitude propices. Le soir, difficilement, je grapillais une demi-heure ou plus de deux heures encore, si l'émission que ma femme regardait me déplaisait, ce qui arrivait assez souvent, heureusement.
Après mon divorce, ma chère compagne de l'époque m'apprit qu'on pouvait être attentif à mon travail, l'honorer plutôt que le moquer, et aménager du temps pour me laisser travailler. N., toi qui passes parfois ici, cueille dans ces lignes les remerciements répétés que je te livre. C'est auprès d'elle et de cette attention à mon écriture, qu'est né "le Baiser de la Nourrice", entre autres, grâces lui soit rendues.
Aujourd'hui, ma très douce dépasse toutes les probabilités statistiques. Je ne suis même pas sûr de mesurer la chance que j'ai. Elle fait tout, mais vraiment tout, pour me donner du temps (tenez, là, tandis que je vous écris, elle vient de m'apporter du café). Elle fait tout ce que je faisais avant : ménage, cuisine, lessives, toutes les activités ménagères que j'exécutais et qui, effectivement, prennent du temps, elle m'en décharge. J'en suis souvent honteux quand, sur mon écran, naissent des phrases insipides ou que, par paresse, je relis d'autres textes dans l'espoir de retoucher un mot, d'effacer une virgule. Ce confort va finir par me rendre complètement macho si je n'y prends garde. Parfois, je me révolte, je saisis un balai, une casserole. Ma douce m'en dépossède aussitôt. Elle ne veut qu'une chose : que j'écrive. Alors, je me mets au travail. Bon sang, je me demande si, au bout du compte, elle ne m'enchaîne pas, par désir de m'épauler, par amour, à ma table de travail ? Vite, un balai !
Commentaires
C'est vrai, ça semble horrible. J'espère que tu as honte, goujat. Et elle aussi.
Trève de plaisanterie, cette envie, plus que ça, ce besoin vital d'écrire (ou de dessiner dans le cas de nombreux de "tes enfants"), c'en est presque énervant. On se lève parfois en étant de mauvais poil parce qu'on a pas eu le temps de se donner à ce que l'on aime. On y pense à chaque instant, et quand le moment de nous retrouver devant notre page arrive, c'est le sourire, la libération. C'est un peu une drogue finalement. C'est dangereux ces futilités!
Nous connaissons ce sentiment de culpabilité, en effet, quand nous n'avons rien produit, ou quand une occupation stupide nous a détourné de la création. D'où l'intérêt de la dsicipline qu'il faut s'imposer. Le must, c'est quand l'entourage se soumet à cette nécessité. La difficulté (que j'ai connue) est de trouver un équilibre dans un couple de créateurs. Lequel sacrifie à l'autre ? Est-il possible de ménager assez de temps pour les deux, équitablement, quand apparaissent les enfants ? Mon petit JW, les difficultés commencent... mais je suis confiant : vous êtes préparés et lucides.
Moi je préfère écrire car je contrôle mieux mes paroles !!!...