Un roman, pour la plupart des gens, est d'abord constitué d'un nombre respectable de pages, en tout cas, un volume en deçà duquel ils ont le sentiment d'une tromperie. Ce n'est pas faux, ce n'est pas vrai. Il existe des subtilités. Dans la postface de "différentes saisons", Stephen King propose de définir la distinction par un mode de calcul simple : au dessus de 40 000 mots, c'est un roman ; en dessous de 20 000 mots, c'est une nouvelle ; entre 20 000 et 40 000 mots, c'est "autre chose", un texte entre les deux, longue nouvelle, court roman.
Le Baiser de la Nourrice, passe limite la barre en dessous de cette norme : le texte affiche 38 200 mots et des bananes. J'ai envie de dire que, malgré cela, on a tout de même affaire à un roman. La forme, le principe, la langue, le développement de l'histoire, le récit fictionnel, sont dans la tradition du roman, mais c'est un roman court, je l'admets. La mode est d'ailleurs aux textes courts, me dit ma chérie libraire. Cependant, j'ai de "vrais" romans dans ma besace. A la Droite du Diable culmine à plus de 111 000 mots. Jean F et Ce que Mica savait des hommes avoisinent les 80 000. Mon roman en cours, Le psychopompe, totalise déjà près de 60 000 mots, je pense qu'il rejoindra les deux exemples précédents. C'est une définition un peu basique (bien dans la simplicité de King, diront les mauvaises langues, et ceux qui se pincent le nez, en général, au dessus de la littérature populaire), mais cette possibilité d'encadrer un phénomène littéraire par une mesure quantifiable me convient.
Pierre Michon, dans "Le roi vient quand il veut", parle du roman et de son foisonnement maladif, ces digressions qui en font un objet littéraire alourdi souvent. Il se méfie de l'inclination de certains auteurs à rallonger la sauce. Ses romans sont longuement mûris, réfléchis, alimentés par une documentation éventuellement, grandement assimilée. Enfin, il se lance dans une écriture rapide, concentrée, d'un souffle. Dans de telles conditions, le texte qui résulte ne peut pas être digressif. En lisant l'interview récente de Michon à ce sujet, je me suis aperçu que c'est ainsi que "le baiser" avait été écrit : d'un élan, en quelques mois (un bon élan quand même), concentré sur un sujet (malgré tout enrichi en cours d'écriture). Et c'est un livre très différent des autres. D'abord, je le voulais ainsi, comme un défi littéraire personnel.
Les autres romans, je les prépare moins, mais j'en préserve le feu plus longtemps, je souffle sur les braises, la chaleur entretenue alimente une flamme sur plus d'un an, parfois plus de deux ou trois. Le roman que je suis en train d'écrire sera achevé en mars 2009, selon mes prévisions. Ensuite, je retravaille un texte court, bizarre, radical, mais fait pour être repris en plusieurs étapes. Je devrais le finir en septembre prochain, dans des conditions très particulières que je vous livrerai alors. Ensuite...
Ensuite, mon rêve depuis longtemps, est d'écrire un énorme énorme roman historique. Mais voilà, j'en suis épuisé par avance. C'est pas bien, hein ?
Commentaires
Enfin de retour sur la toile après quelques petits problèmes internistratifs ... Quel est donc ce projet radical que tu évoques, ce texte court ??? Je ne pensais pas que Le Psychopompe était autant avancé !!!
En tout cas toujours un plaisir de lire tes aventures journalières.
A très vite.
Jérôme
P.S : des news de François etc ... ??? ///
François approche. Il sera là en fin de semaine. Samedi. Je lui rappelle qu'il faut qu'on se voie.
Pour le projet radical... Un peu de patience.