Une question, une remarque, plutôt, lancée vers moi avec parfois une lueur menaçante dans le regard : "Tu écris à la main ou sur l'ordinateur ?". C'est que le clavier est suspect de je ne sais quelle absorption d'âme ou de talent, suspect surtout de faciliter l'accouchement de l'oeuvre. La question pourtant, ne se pose pas, si l'on avoue écrire à la main, de connaître l'expédient : stylo encre ou plume d'oie sur parchemin. Ce n'est pourtant pas une question vraiment idiote, parce que, selon son degré de concentration, il peut exister une différence entre les deux écritures. Mais croire qu'il existe un "style" tapé à la machine et un "style" écrit manuellement est une erreur grossière.
Mon premier roman, "A la Droite du Diable" fut à moins de la moitié écrit à la main. C'était avant l'ordinateur. Quand l'informatique arriva dans mon métier, je repris mes pages manuscrites, chaque jour entre midi et deux, et les saisis sur écran. La femme d'un ami m'aida aussi, et le retard sur ce qui suivait fut rattrapé. Plus tard, l'écriture s'est poursuivie directement sur l'ordinateur. Je retravaille beaucoup mes textes, reviens sans arrêt sur les parties déjà écrites, relis sans cesse. Aujourd'hui, impossible de distinguer ce qui fut écrit à la main et ce qui fut produit au clavier. Je peux donc témoigner que les deux formes sont pareillement valables. Depuis, j'écris exclusivement sur ordinateur, y compris les lettres très sensibles, adressées à mes chers amis. Avec un préambule, pour les béotiens, où je présente ce choix comme un effet de ma gentillesse pour "épargner le déchiffrage de ma tortueuse graphie". On m'a compris, jusque là.
Il n'y a bien que pour une certaine lettre de déclaration que, tout de même, j'ai repris la plume et le papier. Ma douce, qui partage depuis ma vie, m'a dit que j'avais été bien inspiré de procéder ainsi.
Commentaires
Évidemment, il y a quand même un standard de forme quant à l'écriture, évidemment inspirée de la déclaration.
Ceci dit, alors que je suis totalement partisan de mon fidèle azerty, l'écriture manuscrite présente parfois un avantage certain : la rature. La rature, la "biffe" m'apparait assez essentielle en fait, un peu un art du temps quelque part, ; les différentes versions se superposent, s'imposent, se supposent ... J'ai pas mal travaillé et je travaille toujours sur les manuscrits de Feldman et Beckett et bien sûr, voir apparaitre par exemple un "God" barré sur une page de Malone meurt, a été pour moi en tout cas riche en enseignements (d'autant plus que c'était un God majuscule). N'importe quel traitement de texte peut créer du barré (voire même du double-barré), mais cela reste laborieux et on lui préfère traditionnellement la sécurité des touches retour ou echap.
Bien à toi, bonne journée ...
Jérôme
Quant à moi, même si je suis aussi partisan du clavier et de l'ordinateur, l'envie de jeter des idées quand elles pointent le bout de leur nez sur un petit calepin se fait toujours sentir. Pas encore réussi à mettre en vrac dans le bloc-notes les mots pour les restructurer plus tard...
Mais d'accord cependant quand on dit qu'il faut vivre avec son temps. Je ne vois pas quel écrivain pourrait poser son roman ou essai sur du papier uniquement.
Une précision importante, et qui réconcilie les deux "modes" : il arrive toujours un moment, à certains stades de l'écriture, où j'ai besoin d'avoir sous les yeux une version papier de mon travail. Là, je biffe, j'annote, je complète, je raye, je modifie. L'exercice se reproduit plusieurs fois. la lecture critique sur papier est très différente que celle effectuée sur l'écran, pourtant très méticuleuse. J'en ai besoin, aussi. J'avais oublié ce "détail".
il est trop nul ton truc de mes couille
une seule faute d'orthographe dans un message aussi profond et engagé!
Preuve s'il en est que l'éducation, la politesse et surtout l'argumentation ont de beaux jours à venir!!
(sourire)