Tandis que mon ordinateur redevient capricieux (vivement Noël, que j'ai en main un portable tout neuf !), je m'empare du clavier de mon fiston qui, à cette heure, se repose d'une longue soirée NFS underground. Figurez-vous qu'hier, je n'ai pratiquement pas pensé au "Baiser", en tant qu'objet, je veux dire. J'en ai beaucoup parlé, à la presse notamment, mais je ne me suis pas arrêté sur le fait qu'aujourd'hui, là, dans quelques heures, je l'aurai entre les mains, dans sa réalité de papier. C'est étrange, parce que c'est cette concrétisation, tout de même, qui nous pousse à solliciter les éditeurs, et certains à s'auto-éditer.
Pourquoi cette forme fait-elle d'une écriture, autre chose ? Autre chose qu'un écrit qui circule par les canaux du net, ou lu en public devant un groupe attentif ? Pourquoi est-ce que cela représente plus ? Aussi bien pour l'auteur, qui y voit un aboutissement, que pour les lecteurs, qui y voient une forme d'assurance, de validation ?
Je ne cesse en ce moment, de me convaincre que tout ça est dérisoire.
Commentaires
Peut-être parce que le livre est une empreinte, celle qu'on laisse, qui se collectionne, qui se pose dans le rayon d'une bibliothèque. Et qu'il reste cette boîte de conserve pour savoir qu'on utilise depuis des siècles. Contrairement aux paroles qu'on essaie de garder en mémoire mais... et encore plus à un écran qui se voit balayé par notre regard et effacé d'un coup de souris pour être remplacé aussitôt par une autre page.
J'aime les livres, je ne trouverai jamais ça dérisoire.
Faudra que je te parle de l'ouverture de ma bibliothèque numérique (en BD) : un échec complet pour moi.
Bibliothèque numérique ? Oui, il faudra m'en dire plus.
Dérisoire? Oui, et sans faire l'iconoclaste de service, la publication d'un livre est dérisoire. La publication d'un livre est assujétie à notre vision subjective de la culture, fruit d'une laborieuse "exception culturelle" française qui préfère un écrivain publié à moitié con à une personne sensée, sincère et intelligente qui n'a que les sons émis de sa bouche sans les décibels d'AC/DC.
Souvenons-nous de René Char, qui à fait imprimer sur son premier recueil (Artine? j'ai la mémoire qui flanche) ce sublime : "Qu'on le veuille ou non, ce recueil à été tiré à 50 exemplaires. Il est réconfortant de savoir que les imbéciles n'en sauront rien".
Tout cela laisse songeur, à l'époque d'internet et du tout-communication merdique, le plus souvent trash et pathétique.
Tout cela pour le dérisoire, et très à côté du sujet de ton roman, qui à le pouvoir dissuasif d'éloigner les mêmes "imbéciles" que Char.
J'aime... Merci Lionel.
Outre le sujet, le genre et le style, le nombre d'exemplaires du Baiser (800), rejoint heureusement les visées de Char (j'allais dire : suit les traces de Char, mais bon...). Des gens me croisent, me traitent aujourd'hui "d'écrivain". Ce que je me sentais être depuis quinze ans, parce que j'écrivais, en effet, bien que je n'aie pas été publié. Aujourd'hui, apparemment, j'ai droit à ce titre, parce qu'un éditeur m'a reconnu tel. Vous comprenez ? Une seconde avant, je n'étais pas écrivain, une seconde après, ça y était ! Amusant... Ainsi sont également qualifiés de magnifiques incultes, fous littéraires et autres poètes à deux ronds, parce qu'ils ont pu, éventuellement avec l'aide d'un imprimeur affamé, produire un de ces objets souvent rectangulaires, parfois assez beaux.
Bien sûr, c'est dérisoire. Ce qui ne l'est pas, c'est d'écouter les lecteurs parler de ce que le texte leur inspire.
Citation : Des gens me croisent, me traitent aujourd'hui "d'écrivain".
Houlà, ne te laisse jamais traiter de cette manière, c'est malsain!
Je préfère, et de loin, la manière dont Eluard qualifiait Benjamin Péret ; " Un homme ressemblant".
Evidemment, ce n'est plus de l'Art pour lard...
Merci, cher poète (Hu Hu)