J’adore théoriser pour rien, manipuler des concepts ridicules et les mener au bout, à partir de petites réflexions du quotidien. Un art de la théorie du minuscule. Par exemple : Pourquoi est-ce que, quand il s’agit d’ouvrir porte ou portière avec une clé, on met toujours –d’abord- la main dans la mauvaise poche (souvent la droite, tandis que le trousseau est à gauche) ? Permettez-moi d’exposer ma théorie : La main droite étant celle de l’action (pour moi qui suis droitier, entendons-nous. Pour les gauchers, vous n’avez qu’à inverser), j’ouvre une porte, clé en main droite. La gauche étant celle du passif, de l’effacement et du retrait, quand la porte est ouverte, la droite lui confie automatiquement la clé devenue inutile. Et la main gauche range la clé dans la poche qui se trouve de son côté. Lorsque je reviens à cette porte pour la refermer, ma main droite se dirige naturellement vers la poche droite et, fatalement, ne trouve pas la clé. CQFD.
Autre exemple : un bouton au milieu du dos ne peut être très bien gratté que par un tiers, et un tiers forcément amical. Je postule que l’incapacité humaine à se gratter dans le dos, est un facteur essentiel du grégarisme atavique du genre humain, et la source des premières manifestations d’alliance. Je placerais d’ailleurs ce tournant marquant à l’époque où Australopithecus se baladait dans la savane, commençait à se dresser sur ses deux pattes arrière. La station verticale lui procurant l’avantage de voir plus loin et d’être prêt à courir en cas de danger. Vous avez bien lu : la savane. Et quelle est la particularité de la savane ? La quasi absence d’arbres (souvent occupés d’ailleurs par les grands prédateurs). Résultat : impossible de se gratter le dos contre un tronc, d’où la nécessité de faire appel à un congénère. Voici l’humanité en marche, la société en germe, le noyau familial naissant.
J’ai adressé un dossier synthétisant cette brillante théorie à Yves Coppens qui n’a pas répondu pour l’instant.
Commentaires
Tiens, c'est marrant ton truc. Sauf que ça ne tient pas la route une seconde... Attends avant de gueuler, j'explique.
Mes clés sont toujours précisément ou je veux qu'elles soient, c'est à dire ou elles sont le plus à même de me gêner le moins possible et de m'être le plus utile le cas échéant. C'est à dire n'importe où, dans le Néant de l'improbable, parce que je m'en fous de ces putains de clés! Et ben tu me crois ou pas, j'arrive toujours à les trouver (ou elles me trouvent les coquines), par un acte inconscient de ma part ou de la leur.
Le pire, c'est que ces anarchistes passent de la poche droite à la poche gauche sans état d'âme, et semblent faire en sorte que je n'en ai point.
Tout cela pour dire que théoriser est toujours sain et jamais risible, mais que théoriser sur soi-même limite considérablement l'empathie et donc la compréhension.
J'ai moi-même cette manie (je ne peux entrer dans une salle de bain sans me laver les mains et me demander pourquoi), rien à voir avec l'amorce profonde de ton texte, qui semble vouloir rationnaliser le vide sidéral de chacun de nous en prise avec ses moments quotidiens et confus.
La main utile n'est ni la droite ni la gauche, c'est celle qui me permet de te saluer.
P.S.: Je n'ai pas encore lu la version définitive du "Baiser", mais en feuilletant, j'ai plein d'intérrogations... La forme, notamment.Bref, on en parlera je l'espère.