En l’espace de 24 heures, la question m’a été posée deux fois. Coïncidence. Soit qu’on me reconnaisse forcément comme tel, parce qu’un de mes livres est enfin sorti, après des années d’écriture acharnée et silencieuse, soit que –malgré moi- je donne à voir la posture d’un écrivain.
C’est complexe. Le qualificatif retourne au fond de moi des questionnements longtemps tus, verrouillés par peur de l’outrance et du manque d’humilité. Quand j’écrivais sans que personne ne le sache, je me sentais, oui, écrivain, cent fois, mille fois plus que certains écrivaillons qui se publient à compte d’auteur, incapables de résister, après cent pages vite torchées, à l’ostensible concrétisation de leur rêve de papier. Contre toute logique, il semblerait qu’écrivain ça vous pose un homme (comme être de Garenne, ça vous pose un lapin, disait je ne sais plus qui). C’est d’ailleurs étrange, dans cette société qui a décidé d’humilier et de vilipender tout ce qui réfléchit ou crée, les intellectuels improductifs. Il resterait donc une aura vacillante pour qui produit de l’écrit.
Alors, écrivain… S’il s’agit d’un homme vivant de l’écriture, en effet, je suis loin du compte (mais alors il faut supprimer Rabelais et Rimbaud, et intégrer Paul Lou Sulitzer et Alexandre Jardin), ou d’un homme qui ne fait qu’écrire, (dans ce cas, exit Primo Levi, Moravia, Kafka, etc.). Si l’écrivain est celui qui n’a, pour exprimer le monde qui l’entoure, que le moyen de l’écriture, mais n’ayant que ce moyen, s’y engloutit, s’en vêt et s’y réchauffe, l’affine, le tourmente et l’élève, bref, tente de le porter à l’incandescence pour le transmuter, alors, je crois que je peux dire sans (me) mentir, que je suis écrivain.
Donc, lorsque paraîtra un numéro du magazine « la muse », avec ma caricature, due au talent de Miguel Alcala, et quand paraîtra un nouveau catalogue accompagnant la prochaine exposition de Catherine Chanteloube, vous ne serez pas surpris de voir mon nom accompagné de la mention « écrivain ». C’est que j’aurais consenti à cette association (après un moment de rougeur et de confusion, tout de même).