Peu de chose à dire de cette tentative de polar "efficace". L'idée était de démarrer le récit dès la première ligne et d'entraîner le lecteur jusqu'à la fin. Des postulats de ce genre ont toutes les chances de sombrer dans le vide le plus caricatural. Aucun intérêt.
Première fois que le téléphone sonnait depuis que ma ligne était rétablie. Un ami ? Sans doute pas : je passais mes journées appuyé au comptoir de chez Zette, mâchant une philo à trois balles avec mes rares potes ; qu’auraient-ils oublié de me dire ? Quant à la famille, disparue avec mes parents vers l’âge de dix ans, je ne la voyais pas surgir du néant pour me donner des nouvelles. A se demander d’ailleurs pourquoi je tenais à conserver un téléphone. Je décrochai. C’était la banque. Dumesne, le type qui s’occupait de gérer mes agios. J’ai tout de suite senti que quelque chose ne tournait pas rond. Dès la première phrase.
- Bonjour monsieur Sordès, comment allez-vous ?
Pas la phrase elle-même : l’intonation. J’ai dû répondre que oui enfin… oui, avec l’inquiétude du gosse à qui son père demande s’il est VRAIMENT allé réviser chez son copain hier soir.
- Monsieur Sordès, il faudrait que nous nous voyions, n’est-ce pas ?
Se voir encore. Se voir. Je devais lui manquer parce que notre dernière entrevue s’était achevée sur un constat atterré de part et d’autre. Bon sang, il y avait vraiment un truc qui clochait : Dumesne enchaînait une série de phrases sur un ton enjoué que je ne lui connaissais pas. Et pourtant, on se connaissait bien, depuis le temps. Il fallait qu’il m’explique.
- Mais ? Monsieur Sordès, voyons, il faut que vous preniez des décisions par rapport à tout cet argent. Et je suis là pour vous aider.
- Tout cet argent ?
Le banquier fit silence sur un bref hoquet de surprise.
- Mais ? Vos cinq millions d’euros, voyons !