Descendant du car l’autre soir, je suis soudain submergé par une puanteur de marée. Varech pourri, poisson mort, écume sale, surgissent dans la nuit de ce bord de route, à plusieurs centaines de kilomètres de la moindre vague. Je comprends instantanément qu’il s’agit de l’odeur du sel qui a servi à déneiger les routes ces jours-ci. Des tonnes et des tonnes de sel, partout dans le pays, extraites de l’océan et qui y retourneront sans doute, après des décennies d’infiltrations dans les nappes, d’agression des végétaux et des poissons de rivière, entre autres.
Quand les romains en eurent fini avec Carthage, après des générations de guerre, ils détruisirent la magnifique cité et, pour s’assurer qu’elle ne redresserait jamais la tête, répandirent du sel parmi les ruines.
Même dans les quartiers les plus éloignés de la mer, même à Mégara, il devait flotter cette terrible odeur de marée morte, la présence tenace d’une malédiction.