Il arrive que des films basiques, simplistes, et pour tout dire naïfs, accèdent malgré eux, et malgré le projet purement commercial de ses auteurs, à une valeur proprement mythologique.
Et peut-être que c’est leur simplicité qui permet d’en faire des mythes. Ce n’est pas un but en soi, on peut rêver des films plus complexes –heureusement-, et tous les films basiques et naïfs ne prennent pas valeur de mythe, mais la force d’une idée simple est de générer des appropriations vite universelles.
Ce fut le cas de King Kong, par exemple, et c’est le cas d’Avatar, apparemment, si j’en crois deux anecdotes récentes.
Je lisais l’autre jour le témoignage d’un jeune israélien de gauche qui, plutôt que d’aller se rendre à une manifestation de protestation de la politique de son pays, à l’occasion de l’anniversaire du bombardement de la bande de Gaza, est allé voir Avatar, avec quelques remords, et quelques copains. Tous peinés par les morts palestiniens, mais trop découragés pour braver les insultes de leurs concitoyens dans la rue. Ils regardent donc Avatar, et soudain, dans les scènes de destruction d’un village Na’vi, devant les pleurs, la souffrance, l’impuissance des autochtones face à une armée suréquipée, ils se sont regardés, se sont compris : on leur parlait, ici aussi, de la destruction de Gaza et de la souffrance du peuple palestinien.
En Chine, le film a été retiré des programmes de toutes les salles de cinéma, sauf celles qui proposent des projections en relief, parce que sa popularité extraordinaire était due en partie à la relation que les chinois font entre le destin des Na’vis et celui des millions d’expulsés dans la course immobilière de la Chine nouvelle. Les internautes chinois ont relayé cette vision du public et Pékin a vu d’un très mauvais œil cette connexion imprévisible avec le sandale des expropriations très très brutales que le système a générées. Ils ont décidé une forme soft de censure. Pour tout le pays, c’est moins de 300 salles qui continueront de diffuser Avatar, quelques semaines encore. C’est stupide, mais les censeurs sont rarement brillants.
Un troisième exemple vient tout récemment ajouter de l’eau à mon moulin : Pierre Desjardin voit dans le film une apologie de la guerre.
C’est le problème des récits à ce point basiques : chacun y projette les symboles et les métaphores les plus contradictoires, mais conformes à sa vision du monde. Un peu comme les grands livres religieux, quoi.
Commentaires
Sur un plan scénaristique, de Pocahontas à Danse avec les loups en passant par tant d'autres, c'est du déjà vu. On s'est laissé tenté avec ma moitié quand même et ça marche.
Sur un plan graphique et esthétique, BOUM! Tu en ressors bluffé, ébahi qu'un mec (et son équipe) ait pu réunir tant d'influences et les sublimer comme ça. D'un point de vue créatif, il m'a même fait mal ce film. Je me suis posé la question pendant une journée : "Comment faire de la bd d'aventures après Avatar?" Question qui a trouvé sa réponse dans mes planches naturellement...