C'est une grande toile. Plus d'un mètre cinquante de hauteur, plus d'un mètre à la base. C'était un grand autoportrait où je figurais assis, torse nu, m'apprêtant à commencer un tableau vierge. En retrait, l'air moqueur, j'avais représenté mon épouse (cela date de l'époque où j'avais une épouse). Ce tableau était remisé comme les autres au grenier. Pas oublié, mais négligé, y compris par moi, qui ne me soucie guère des traces qu'ont laissé mes tentatives.
L'autre jour, à l'occasion d'une exceptionnelle réunion de famille, je me rends dans cette maison que j'ai léguée. En repartant, dans un coin du terrain, au milieu d'un tas de meubles en pièces, de vestiges illisibles, je vois le revers d'une toile. Au détour de ma marche, je découvre qu'il s'agit de mon tableau, balancé au milieu des gravats. Mon ex me raconte une anecdote qui la dédouane de cet acte désinvolte. Je m'en fiche. Se confirme seulement que je suis bien heureux aujourd'hui.