Complexe question du sujet. Quand est-ce qu’une étincelle vous fait penser : « C’est ça ! » ? Je crois que c’est lié d’abord à l’écho que le sujet provoque chez l’auteur. Qu’il prenne naissance dans un fait divers, une rencontre, une sensation ou une histoire célèbre, le récit initial ne mobilise assez d’énergie pour tenir deux ans, voire trois ou cinq, que s’il fait écho à des préoccupations profondes, charnelles, mobilisatrices depuis toujours. Ce qui motive l’écriture doit être un brasier qui couve, et le sujet n’est là que pour souffler sur les braises. Tout est déjà en place.
Il arrive de se tromper. J’en ai parlé plusieurs fois ici. Non pas que le sujet soit mauvais, il n’y a pas de mauvais points de départ, mais l’angle choisi peut ne pas être le bon. L’histoire rejoint alors les autres inspirations remisées, jamais oubliées, intégrées parfois dans de plus vastes récits, condamnées sinon à de très longs endormissements. On n’en finit jamais vraiment avec les idées qui vous sont apparues un jour assez puissantes pour vous lancer dans un récit. Parce que l’évidence avec laquelle elles se sont imposées a un sens. Elles disaient quelque chose dans quoi on se reconnaît. Elles parlent d’un mystère qu’on fouille sans cesse.
S’il y a un gisement, une source susceptible de tarir, il faut admettre que l’épuisement peut survenir. Mais ce n’est pas forcément un mal, une fin. Ce peut être une libération, un soulagement. En fait, c’est quand les braises ont refroidi, peut-être, que la question du sujet se pose vraiment. Quand l’auteur dépassé et stérile a fait place à l’écrivain qui connaît son métier.