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Pas grave

Je ne me mets pas en colère, j’ai même un certain attendrissement pour qui se fout ouvertement de moi. Exemple : Mon entreprise commande récemment une série de courts documentaires à une société audiovisuelle. J’écris les commentaires, demande à la société de faire un casting de voix et de m’appeler quand ce sera fait. Il était convenu pour ce faire un délai raisonnable de deux mois. Sept mois plus tard, après un certain nombre de signes d’agacement de notre part, les vidéastes professionnels m’appellent : tout est prêt, ils ont enfin la voix féminine que j’ai demandée, après des mois de recherche et un casting que j’imagine d’une exigence scrupuleuse, radicale, vu le retard pris par le dossier. Je me rends donc sur place. J’entre dans les bureaux, saluent des têtes nouvelles (c’est une boîte que je connais bien, qui m’a porté sur les fonds baptismaux de la vidéo il y a 20 ans). Je découvre une nouvelle secrétaire, une nouvelle comptable. Je salue les techniciens et responsables, toujours là. Le patron me dit : « On ne t’a pas présenté ? Suis-moi ». Nous revenons sur mes pas, P. me présente la comptable que j’ai vue tout-à-l’heure : « Je te présente N. Elle est comptable, mais se destine au spectacle. Elle va devenir intermittente. On a fait beaucoup de recherches mais finalement, la voix qu’il te faut était là, tout près de nous. » L’enfumage est assez scandaleux, mais j’acquiesce, amusé. Après tout, l’histoire hollywoodienne dont je suis nourri est pleine de ce genre de révélations : routiers devenus ténors, serveuses, charpentiers ou mécanos devenus stars, etc. On verra bien. La dame quitte son clavier et rejoint en souriant le studio d’enregistrement, installé précaire dans le bureau de la direction non insonorisé, sur une table. Il faut tenir les micros en main. Pendant que la technique se prépare, nous devisons, je félicite la comptable de son courage, lui demande un peu son parcours. N. fait partie d’un groupe de chanteurs d’opérette local et participe à des spectacles écrit par un ami. Une pointure. Quand tout est prêt, c’est l’heure de vérité. La comptable-commentatrice exécute une première lecture et je suis atterré ; comment décrire ? Le ton que prennent les institutrices les moins subtiles pour raconter une histoire à des CP, sur-jeu insupportable des comédiennes amatrices sur les planches des salles des fêtes. Articulation excellente au demeurant, jolie voix en effet, mais interprétation digne d’une parodie de films pour enfants. J’imagine la rigueur de ces sept mois de casting, en effet. Après un peu de répétitions et quelques aiguillages, nous parvenons à infléchir les intonations irréelles pour obtenir un enregistrement audible. Mais je sais que, de toute façon, nous serons à la fin loin du compte. Mes anciens compagnons d’images et de montage se sont fichus de moi, tranquillement, avec le sourire. Je sais que rien n’est essentiel, que tout cela c’est du vent. Je m’amuse. J’attends aujourd’hui avec impatience de retrouver ces documentaires sur le web, pour la délectation des internautes.

Commentaires

  • P. à toujours préféré la fanfare, ça brille et brouille l'écoute...

  • Bien décrypté.

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