L’hypothèse absurde que je marcherais davantage avec le pied droit qu’avec le gauche, causant ainsi une usure plus rapide de ce côté-là, m’amuse un temps avant d’être abandonnée. Une inquisition plus précise me révèle une déformation vers l’intérieur de tout l’appareillage, déformation inédite à gauche. En fait, il apparaît que je marche différemment, plus « en dedans » du côté droit. Ah. Cette position anormale de mes tarses et métatarses sur le sol occasionne une torsion du cuir, des coutures et du caoutchouc, finissant par briser le matériau le moins résistant à cette contrainte particulière. Menant la réflexion plus loin, je rappelle le souvenir de sensations corporelles assez coutumières. Il s’agit de ces petits embarras, de ces élancements chagrins avec lesquels on apprend à cohabiter. Oui, c’est au côté droit de mon dos que j’ai constamment mal ! Et certains jours de marche forcenée –car cela m’arrive malgré mes préventions contre toute forme d’exercice physique- la douleur grimpe jusqu’aux cervicales. Je regarde mon pied avec suspicion. Ce serait toi, toi seul, le responsable de ma démarche lasse, de mes courbatures, de mes nuits gênées, de mes maux de tête ? Et même de la musculature étonnante de ma jambe droite ?