Passer la main, passer puisque l'on passe. Je marche devant toi, je marque le passage, la trace lentement se creuse. Le jour pousse sa pointe entre la terre et l'horizon, je t'emmène vers cette aube que je ne pourrai respirer. Moi, je vais trouver la nuit et te laisse la maladresse du jour. Je passe la main, dans ta main je laisse des mots, un jeu, une clé, une recette de gâteau, une démarche, un accent, un tour d'automobile, des chansons et quelques anathèmes. Passer puisque l'on passe. Sur le chemin tu vas vite, tu passes devant moi, tu t'éloignes. Je te vois là-bas, aminci, découpe noire dans la toile cirée du soleil. Je m'arrête où je suis, au seuil du soir. Tu te retournes, tu me salues, je réponds à ton salut, ne m'oublie pas, va, ne perds rien de moi.
Commentaires
S'effacer, ne pas laisser de traces, est-ce l'idéal des seuls criminels ?
"ne m'oublie pas, va, ne perds rien de moi" ; pas question d'effacer les traces, mais de passer, et de laisser à son enfant le jour à venir, tandis que nous restons au seuil. Heureusement qu'il y a la trace. Notre héritage. Le risque de la trace, pour le criminel, c'est celui de la preuve. Un parent ne laisse pas de preuves. Des énigmes.
j'avais bien compris, enfin il me semble, Christian mais justement j'essayais d'opposer à ce besoin de passer la main, de ne pas être oublié, de vouloir que rien de soi ne soit perdu, une manière de s'effacer sans laisser de traces...c'était une question.
Oui. Je devais être un peu démuni face à l'enjeu de l'interrogation. Alors, j'ai divagué pour faire le malin.