Blanche, torsadée comme un artifice de pâtisserie ; noire épaisse, minerve de fortune ; une écharpe indispensable m’enveloppe le cou. Chaque matin, j’enroule jusqu’aux lèvres cette longue soie ou ce grand tricot, d’un geste de magicien manipulant d’invisibles volutes.
Plus qu’un usage, une image de marque, tant l’accessoire est solidaire de ma silhouette, et depuis si longtemps. Ce fut d’abord une réponse d’urgence à la fragilité de mes cervicales, qui craquent et se tétanisent au moindre vent coulis, puis la prévention de ces désagréments, en toute saison. Car les courants d’air glissent de l’hiver à l’été sans états d’âme. L’écharpe est donc toujours là, plus ou moins chaude cependant. Des années de pratique en ont fait une habitude difficile à abandonner. Je dors nu avec une écharpe autour du cou. Et si je déambule, à l’intérieur ou dehors, deux ou trois pas sans elle m’alertent sur ma distraction, et je saisis la première écharpe disponible, pour vite rassurer mon cou frissonnant.
Je ne noue pas mon écharpe ; elle doit être assez longue pour que ses tours en solidarisent la forme. Balancée finalement sur l’omoplate, l’autre extrémité descendue sur la poitrine, elle reste libre de se dévider comme une bobine de fil. Je la rattrape alors, reproduis le geste de magicien, termine par un déjeté sur l’épaule, censé équilibrer l’ensemble.
Parfois seulement, quand l’air est franc, quand le soleil charrie ses ondes puissantes, je consens à délivrer mon cou de son éternelle protection. Et je marche, je respire, je soulève la poitrine, je savoure un oxygène allégé inexplicablement, je réalise combien on s’impose par précaution, de petites chaînes quotidiennes dont on peut bien se passer, et combien les défaire est jouissif.