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Sauf à revenir à des temps de foi primitive, aucun chrétien n'a réellement cru au paradis qu'on lui promettait, il me semble. A contrario, la menace de l'enfer lui a toujours paru plus certaine. Les corps sublimés et les décors vaporeux gonflés de musique angélique sont à ce point éloignés de toute expérience ici-bas, que le croyant a bien été contraint de considérer l'enfer comme une alternative plus crédible. D'ailleurs, on la lui présentait comme une destination très probable, le moindre plaisir étant une occasion de péché. La présence d'un pandémonium, accessible directement dans nos contrées, se manifeste dans l'onomastique des lieux-dits, par d'innombrables « gouffres du diable », « trou de l'enfer » ou autres précipices inquiétants. Notre ancrage sur le sol nous rend l'enfer plus proche que les lueurs d'astres, il est d'une nature tout-à-fait concevable, puisque voisine de la nôtre. L'inhumation en fut longtemps le prélude, et la crémation n'éloigne guère mieux des peines qui attendaient le chrétien, puisqu'elle s'apparente à leur état ultime, quand les flammes infernales en sont venues à bout. Le pauvre vivant comprend l'expérience de la chair jetée au brasier et criblée de coups de fourches, il en connaît des imitations dans les blessures de la vie ou le spectacle de la guerre. De même, les tertres qu'on remue pour ouvrir une tombe et l'y confiner sont on ne peut plus tangibles. Le vivant a humé l'odeur de la cuisson, il a déjà entendu des cris outragés, des pleurs, des lamentations. Son existence est une traversée d'enfers miniatures qui le préparent à la géhenne – sans l'endurcir assez pour ne plus la craindre.

 

Le Promeneur quantique. Extrait. Écriture en cours.

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