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P : Ce n'est pas vrai. J'écoute ce qui se passe, je vois ce qui enthousiasme ou désespère, comme tout le monde. La différence s'il y en a une, c'est que j'en fais quelque chose.

E : Tu en faisais quelque chose ! Des joues creuses, l'ivoire des canines refermées sur la nuit, le soubresaut. La terre appuyée sous le talon. Une tache solaire, la main retournée, une cavité moulée dans l'épaisseur de l'âme, un tranchant d'obsidienne et le cœur sur les braises, une lampe sous la main, des cris, des balades, une gelée, un matin les pieds dans l'eau froide, la peau hérissée de bleu, un geste bleu, le spectre des doigts sur le mur, le jeu des rayons sur la pierre, le givre sur le verre, la pâleur du gisant, les phalanges repliées sur un insecte, des marbres étoilés, une figure dressée contre le ciel, un bras, une boucle, des miroirs, un drap, une peur, un pas sur le seuil, la nuit ouverte et franche, l'ombre de mon salut avalée par une flaque, le fantôme surgi de la bouche, un frisson, le bois, l'odeur de la cire, le parfum du lin, la joue tiède, les rideaux, les persiennes fermées, les jouets sous le lit. Les petits soldats éblouis sur le parquet, les récits, les luttes, les agneaux égorgés, dévorés par l'éclat du jour. Le temps. L'empreinte de la semelle sur la terre appuyée. Le temps entravé qui rampe sur le parquet.

P : De tout ça, je faisais quelque chose. Je ne mentais pas. J'ai lutté. Avec le blanc, les nuances de tout ce blanc, j'étais dans le vrai, dans la beauté du vrai.

E : Il y a aussi le temps. Et la beauté passe. Il y a des défaites. Et puis il y a des victoires.

P : Des victoires.

E :
Il y a d'autres victoires
Des victoires à venir
Des piques sous le ventre du ciel
Des appels et des poings dressés
Des saignements, des courages
Des mots
Des cris
Des révoltes.
Le monde te rejoint
Il encercle la place
Il est sur les murailles
Il est dedans la cour
Il traverse le blanc et te retrouve
Il t'empoigne au sang
Au sang, il t'empoigne !
Et tu sais sa colère et ses cris

P : D'accord

E : Et sa colère te gagne

P : D'accord

E : Et tu te dis : quelle forme donner à ce carnage ?

P : D'accord, d'accord !

(un temps. Apaisés :)

P : D'accord, demain, je recommence tout. Demain, le rituel change. Demain tout change. Et ma place, et la place des autres, tout est à revoir. Demain, j'ouvre les murs, je plonge, demain je t'emmène ailleurs.

E : Ce sera bien.

P : Ce sera bien.

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