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TROIS VOYAGEURS - 7/9

Pourtant, au plein coeur de la nuit, un vacarme confus me réveilla brutalement. Je tendis l’oreille et reconnus le piaffement des chevaux dans la rue et le remue-ménage caractéristique d’un départ précipité. Profondément marqué par mon expérience de la guerre, j’envisageai immédiatement le pire : une réquisition ou une chasse aux déserteurs. Je risquai un oeil par la porte de ma chambre. La domestique qui m’avait accueilli s’encadra dans l’entrebâillement : “La signorina a finalement décidé de partir” souffla-t-elle. Elle était déjà toute habillée et portait un gros sac de voyage. J’enfilai prestement mon pantalon et sortis sur le pallier, qui donnait par une coursive, sur le vestibule. En bas, la jeune maîtresse dirigeait le départ. Levant la tête, elle me vit. “Je suis désolée, je ne peux pas retarder mon départ comme j’ai cru pouvoir le faire. Je vous laisse l’usage de la maison. Nathanael reste avec vous. Je serai de retour dans une semaine au plus. Me ferez-vous la grâce d’attendre mon retour ?”. Sans attendre ma réponse, elle sortit et grimpa lestement dans une calèche dont je ne voyais que l’ombre, depuis ma place. Le cocher fit claquer son fouet comme au départ d’une course et l’attelage disparut dans la nuit. Le domestique, resté seul en bas, ferma la porte et retourna se coucher après m’avoir gratifié d’un regard las et désabusé. J’hésitai encore un instant, debout devant ma chambre ; la soudaineté des événements m’avait laissé désarmé. Je résolus de suivre l’exemple de Nathanael.

Une semaine passa où je profitai sans grand remords de l’hospitalité de la maison Grandini, mais la signorina ne revint pas. J’attendis encore un jour ou deux puis décidai d’aller coucher au couvent des capucins car il me pesait d’abuser ainsi d’une gentillesse vite acquise. Je revenais chaque jour, régulièrement, frapper à la maison pour obtenir des nouvelles. Au terme d’une nouvelle semaine, Nathanael me tendit une lettre, à mon attention. C’était la soeur de Tomasino. Elle s’excusait de son retard mais des affaires importantes la retenait et elle ne pourrait sans doute pas rentrer avant encore une dizaine de jours. Elle me remerciait encore pour la délicate mission dont j’avais su m’acquitter et me priait de bien vouloir rester le temps qu’il me plairait dans sa maison. La lettre n’avait pas été affranchie et aucune provenance n’y était inscrite. Malgré mon insistance, Nathanael ne voulut pas me donner la moindre indication sur l’endroit où était sa maîtresse. Je pus seulement savoir, à force de ruses, que c’était un courrier militaire qui avait apporté la lettre. Je rentrai au couvent, intrigué. “Secret militaire ?” Je décidai de trouver un travail et un logement à Torino jusqu’à ce que l’étrange jeune femme soit de retour. Par ailleurs, ma situation de prisonnier évadé était régularisée.

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