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Tant que l'humanité... 6/9

Que faire de sa vie d'adulte ? Adulte au milieu des adultes ? Il voudrait avancer, se confronter à demain. Il sent bien pourtant que le sang sur ses mains, que l'appel éploré des millions de vies sacrifiées pour qu'il naisse lui sont un fardeau insupportable. S'il y pense trop, il va finir par ne plus s'aimer. Il faut qu'il s'aime pour aller plus loin. Que faire de cette plaie des souvenirs ? Que faire de cette mémoire du malheur, que faire de l'âge d'intolérance, que faire de son adolescence ?

La première tentation est celle de l'oubli. Effacer les haines du passé, enfouir  sous le manteau de la honte les morts et les bourreaux. Il doit alors se convaincre d'une certaine noblesse de l'oubli. L'amnésie est un salut, une bouée échappée du naufrage, une sirène qui enivre et endort, qui permet de croire qu'il n'y eut rien.

Le passé ? Il ne fut pas tel qu'on l'a dit ; il est tel qu'on l'écrit. Lire veut dire se confondre, apprendre le mensonge. Alors, l'amnésie entraîne la réécriture, l'interprétation du passé ; elle n'apporte même pas le soulagement de l'oubli.

La mémoire est une malédiction. Souffreteuse, vilaine, elle impose d'entretenir ses blessures, elle remet la guérison à des temps inappréciables au commun des mortels. Elle porte le poids terrible des fautes imprescriptibles. Elle exige aussi la vérité, la douleur du souvenir. Il faut du courage pour lire son passé, le connaître avec l'intime conviction que rien n'est caché ou suspect. Là, il est important de se rappeler, surtout, que nous sommes tous les enfants des bourreaux et des victimes, du marchand et de l'esclave, du vainqueur et du vaincu.

 

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