Bernardino de Sahagun (1500-1590). Traduit par Michel Butor (excusez du peu).
De Sahagun est arrivé en Nouvelle Espagne (le Mexique) en 1529. Il entreprit de collecter les légendes du peuple indien et toute sorte de documentation sur les peuples d'avant la conquête. Après avoir transcrit les témoignages, il en réalise une version en langue nahuatl, puis en espagnol. Son travail est resté clandestin, réservé aux prêtres agréés, pendant plus de deux siècles. De Sahagun semblait être animé d'une passion pour les peuples dont il recueillait l'histoire, autrement appelée à disparaître avec ses derniers représentants.
Ce petit opuscule, traduit par Michel Butor, est constitué d'extraits de l'oeuvre énorme de De Sahagun (12 livres), mais recèle suffisamment de trésors pour justifier que je vous mette l'eau à la bouche. Il y est conté en partie l'histoire de Quetzalcoatl, le serpent à plumes.
On apprend ainsi que Serpent-à-plumes séduisit la fille du seigneur Huemac, en se pointant nu au marché, vendre des piments verts. La jeune fille remarqua la virilité (sûrement assez spectaculaire) du héros (une sorte de demi-dieu, à la manière d'Hercule) et n'en dormit plus, jusqu'à ce que son père inquiet lui demande la source de son trouble, et qu'elle le lui avoue. Ni une ni deux, le papa, pour apaiser sa fifille toute émoustillée, fait chercher le bougre et en fait son gendre. Le récit décrit encore nombre d'aventures du héros, curieusement préoccupé à imaginer des blagues, meurtrières pour nombre de ses compatriotes toltèques. A tel point qu'on se demande pourquoi, lorsque Serpent-à-plumes décide de voyager et de partir au-delà de l'océan, vers Tula la rouge, le peuple le regrette aussi vivement. Cet exil volontaire de Quetzalcoatl sera, rappelez-vous, l'origine de la prophétie de son retour et causera la fin de l'empire aztèque lorsque, des siècles plus tard, Cortez débarqua et fut pris par Moctezuma, pour Serpent-à-plumes (via l'entremise d'une femme du pays, victime avec sa tribu, de la violence des maîtres aztèques. Mais c'est une autre histoire).
Chronique un peu rapide, il y aurait encore des milliers de choses à dire, mais elles ressortiront à l'occasion, je vous assure...