Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'insecte missionnaire

54f8d5c0d05a4a4b044e5ef55fa88722.jpg 

André Brink.

Il y a une histoire de l’Afrique du Sud, il y a des histoires en Afrique du Sud -avant qu’existe un pays appelé Afrique-du-Sud. Quand l’histoire de Cupido Cancrelas débute, en 1760, celle du pays est en marche depuis longtemps. Bien avant l’arrivée des blancs, peuples et mythes vivaient et se mêlaient sur cette terre immense. Heitsi-Eibib, dieu-chasseur des hottentots, renaissait constamment, et les peuples nomades lui dressaient des cairns énormes, pierre par pierre, au fil des générations ; la mante religieuse transmettait les paroles des hommes aux dieux, et adressait en retour la pensée des dieux aux hommes.

Cupido Cancrelas est un personnage historique, premier pasteur noir d’Afrique du Sud, son destin étonnant et désespéré a inspiré à André Brink ce récit qui lui a demandé 20 ans de réflexion, sinon d’écriture et de travail. Les sources historiques sont nombreuses, mais suffisamment lacunaires pour permettre à l’auteur de L’Amour et l’Oubli (2006), d’insérer les personnages historiques de l’époque (d’autres pasteurs, tous plus ou moins illuminés et pathétiques) et surtout de mettre en scène les prémices de l’apartheid, au hasard des confrontations avec les Boers, les fermiers impitoyables et cruels qui appliquent leur propre justice.

Cupido, gamin brillant aux pouvoirs étranges, apprend à lire et à écrire. Il découvre la religion des Blancs. Encouragé et baptisé par le père Van der Kemp, il apprend encore : à prier, à prêcher, à chanter. Il est enfin un pasteur à la foi inébranlable, battant les réfractaires, démolissant les cairns aux anciens dieux qu’il renie. Un homme assez fort pour que la Société des missionnaires de Londres l’envoie aux confins arides de terres sans limites, évangéliser les bushmen les plus inaccessibles. Brink trahit (de son propre aveu), la fin de l’histoire de Cupido, en fait un ermite abandonné de tous, lancé in extremis dans un nouveau voyage.

L’insecte missionnaire se lit avec gourmandise jusqu’à la fin, mais les premiers chapitres sont les plus captivants. C’est au cours de ces pages que l’auteur imagine les racines de la foi et de la personnalité de son héros, c’est là qu’il noue l’écheveau du politique, du religieux, de l’humain et de l’amour avec le plus de pertinence et de sincérité. Sans doute parce que, de cette partie de la vie de son personnage, on ne sait presque rien. Le romancien a alors toute sa place.

Les commentaires sont fermés.