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De l'ermite

Pendant quelques jours, je vais coller ici les extraits de mes travaux en cours : romans, théâtre, poésie, scénarii de BD (pas de projets de films en ce moment). Aujourd'hui, un extrait de "Antre dans mon chaos", suite de textes plus ou moins longs, censés restituer l'enchevêtrement des méditations d'un ermite, reclus au fond d'une grotte. Ici, l'ermite a encore une notion relativement juste du monde extérieur. En tout cas, il a conscience du déroulement du temps, et de la réalité de son corps. Ses pensées sont donc encore ordonnées et "normatives". Petit à  petit, ses facultés de contact avec le réel vont s'estomper, les jours se défont au-dessus de la voûte de pierre qui ferme sa thébaïde, le monde extérieur se dissout, son corps se dessèche. Ses pensées glissent de plus en plus vers un extrême "assèchement" de la formulation. Jusqu'au néant.

 "Deuxième jour.

Le glas résonne entre les membres de la pierre. Ma muraille de granit est percée de cris. La soif des humbles, leurs prières à la vie désespèrent les nuées sans conscience. Retombées de ces cimes, la peur et la colère ne m'approchent pas. Les apocalypses sont arrêtées dehors, sous le ciel volatil. La voûte minérale qui clôt mon refuge jette une arche de silence entre elles et moi. Je suis enchaîné, lourd d'une paix tellurique.

Depuis l'abîme, je respire et médite. Les beautés sont tragiques, les peuples sont orduriers, les femmes chevauchent des soleils, tous s'époumonent en proférations insanes. L'obscurité est grouillante de temps, l'ombre est crevée d'images impatientes.

Je revois ces belles aux joues brunes, les jeux brûlés de rires, les musiques dorées et rondes. Il vibre sous mes doigts sans pulpe des souvenirs de peau soyeuse et la nacre des dents. Il me revient des épaisseurs de seins, des veloutés de ventres bombés, des souffles et des charges du coeur. La terre de mon visage invisible se crispe sous la contrainte du rêve. Peut-être.

Mon corps sec obéit à son démembrement. Je lui ai imposé de se délester des joies frêles. Immobile aux vertèbres soudées, je reviens à l'essence du signe que je me veux être. Indifférent et comblé.

 

Troisième jour

Les météores fusionnent dans un lointain que je dédaigne sans mépris. Toute la vie des astres est à l'intérieur de moi. Je ne cherche pas une vérité qui me tromperait. Je suis sans projet, qu'un bloc de glaise que le temps vêt de poussière.

La faim et la soif, la mécanique des excrétions et des mictions, le sel versé des pleurs, celui qui perle de la peau, tout cela, mon corps en est délivré. Je suis animé de la vie des rochers. La science, la sagesse, les connaissances, le savoir, tout cela, perdu ou remisé dans le passé dont je suis détaché. Je m'éclaire à la pensée des pierres. "

Extrait de "Antre dans mon Chaos".

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