Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pièce de théâtre

Pourquoi ne pas le dévoiler, le titre de la pièce (mais un titre-bidon, provisoire, une sorte de nom de code), est : le rire du limule. Me demandez pas pourquoi, j'aime bien l'idée...

Le travail de fabrication de cette pièce est intéressant, elle est née de l'esprit d'un ami acteur, qui donne des cours de théâtre. Il s'agit de saisir, pendant des improvisations faites en atelier, la matière d'une pièce que je dois écrire pour la fin de l'année. Chaque séance fournit le matériau de la séance suivante. La scène, ici, se déroule dans un hôpital psychiatrique... le dialogue que je vous présente se situe à la fin de la scène. Il y a un homme (Lui) et deux femmes (Elle 1 et Elle 2).

 Lui (chuchotant) : J’ai donné le feu.

Elles : Hein ? (l’une d’elles le secoue) : Quoi ?

Lui (plus clairement, mais plaintif) : j’ai donné le feu.

Elle 2 : T’as mis le feu ? C’est un salaud de pyromane !

Lui (doux) : Non, non. J’ai donné le feu aux hommes. (Les femmes interloquées le laissent se lever, marcher à l’avant-scène). J’étais vagissant, inculte, sous un suaire de ténèbres. Parfois, un glas résonnait entre les membres de la pierre. Ma muraille était percée de cris. La soif des humbles, leurs prières à la vie indifféraient des nuées sans conscience. Retombées de ces cimes, la peur et la colère ne m'approchaient pas. Les apocalypses étaient arrêtées dehors, sous le ciel volatil. La voûte minérale qui fermait mon refuge jetait une arche de silence entre elles et moi. J'étais vagissant, lourd d'une paix tellurique. Depuis l'abîme, je respirais et méditais. Mes nuits étaient sans étoiles. Un matin, le Maître a délivré mes membres fossiles, m’a hissé droit la tête au dessus des arbres. J’ai contemplé la terre nouvelle et j’ai vu les hommes. Ils étaient nus et le Maître riait. Il promenait ses orages et ses hivers sur la peau des hommes grelottant. Le Maître attisait contre eux la colère des fauves et le venin des épines. Les hommes étaient sans griffes et sans lumière. On ne m’a pas enseigné l’amour, je n’ai rien appris –jamais- de la morale ou de la bienveillance. Avant de voir le premier homme, je n’étais que vagissant sous une arche de pierre. Mais le rire du Maître me blessait et la peur des hommes m’accablait. Alors, je me suis découvert miséricordieux. Tandis que le Maître continuait à rire des souffrances de ses créatures, je cherchais le moyen de les aider. Oui, j’étais décidé à trahir le Maître. Je l’ai fait. Ce jour-là, ce jour prodigieux. Dans la fournaise du soleil, j’ai plongé les deux bras en hurlant. Dans l’étincelante brûlure de l’hydrogène en réaction j’ai puisé des ruisseaux de lumière. (il hurle de douleur) Sous la contrainte insupportable de cette fusion, le cal de mes mains s’est noirci, ma peau s’est couverte d’écailles, mes yeux ont pris cet éclat de rubis et mon torse enflammé a roussi, mon front illuminé s’est cuirassé d’un toron de corne. Charriant un essaim de braises, j’ai traversé l’immense courbe des zodiaques comme un météore, mon fardeau serré sur la poitrine. J’ai livré le feu aux hommes démunis. J’ai trahi le Maître. Je suis le révolté, le miséricordieux, le sacrifié, je suis le porteur de lumière, Lux fero, Lucifer. Je suis le Diable !

Elle 2 : Et moi qui me croyais folle.

Les commentaires sont fermés.