La pièce de Saraute m'avait profondément marqué. Cette histoire d'amitié très ancienne qui bascule à cause d'une intonation m'avait terrifié, comme elle a sûrement bouleversé tous ses lecteurs ou ceux qui en ont vu une représentation. Parce qu'on sait bien, au fond de soi, à quelques exceptions près, comment certaines amitiés se construisent sur un malentendu ou un aveuglement réciproque et volontaire à l'endroit des défauts les plus insupportables de l'autre.
J'ai vécu une telle déchirure. Sur un sourire, une attitude, un ami de presque vingt ans s'est révélé tel que je SAVAIS qu'il était mais ne voulais pas me l'avouer. Nous restons amis, lâchement, par habitude. Quelque chose s'est brisé ou pire : englué, paralysé, fondu. C'est moins spectaculaire, un peu moins douloureux, mais tout aussi tragique.
(Extrait de "/Stances"")