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Dans les dents

Dans ma petite ville, ça bouge. Le spectacle est au coin de la rue, partout. Il suffit d'aller au restaurant à midi, par exemple, comme hier, non loin de mon lieu de travail.

On s'installe, le menu a l'air tout à fait correct. Un couple de vieux est assis à la table voisine. Je vais aux toilettes, je reviens. On discute. Soudain, la patronne sort de sa cuisine et s'adresse au monsieur du couple. Un vieil homme assez élégant, apparemment en pleine possession de ses facultés physiques et intellectuelles.

La patronne : "Monsieur, je peux vous assurer que ma viande, c'est du charolais, achetée chez un très bon boucher, et que je fais attention. C'est de la meilleure qualité"

Le client: "Elle était nerveuse, votre viande."

(Mon copain m'explique que, pendant que j'étais aux toilettes, le vieux a fait retourner le plat en disant que c'était du surgelé industriel et que c'était mal cuisiné)

La patronne : "Monsieur, c'était de la meilleure qualité, j'y tiens." (le ton monte, la patronne est offusquée, indignée par cette attaque)

Le client: "Vous ne savez pas cuisiner, et puis c'est tout. C'était du surgelé." (voix plus forte, tout le monde se retourne)

La patronne (bras tendu): "Sortez monsieur !"

Le client: "Attention, hein, m'énervez pas. Vous êtes nulle, vous ne savez pas cuisiner. C'était dégueulasse !"

La patronne: "Monsieur, quand on n'a pas de dents, on ne prend pas d'entrecôte !"

Le client se lève, va pour empoigner la cuisinière. Le patron (un type plutôt jeune, silencieux), tente de s'interposer. Les belligérants se toisent. Elle: "Sortez !" Lui : "je vais vous en coller une, moi!" Elle : "Vous voulez me frapper? Ah ben c'est la meilleure !"

Tout le monde est consterné, sauf moi, j'admets que je me bidonne comme au cirque. La patronne répète plusieurs fois "sortez" jusqu'à ce que l'ordre soit suivi d'effet. l'échange est assez violent. La petite dame ne dit rien, elle, d'ailleurs la patronne la plaint de vivre avec "un mari aussi con". La petite troupe, tout en s'agitant beaucoup, se trouve vers la porte, le couple est mis dehors (là, ça se bouscule un peu. Je crois que le patron a carrément poussé le type sur le trottoir). J'entends quelque chose qui ressemble à une calotte. La patronne : "Je connais le truc, c'est pour pas payer!" Le vieux : "J'ai de l'argent, je peux payer!" Elle referme la porte, on l'entend encore gueuler dehors : "J'ai de l'argent, je peux payer!"  Et il disparaît.

La patronne vient s'excuser pour ce spectacle lamentable. Je me marre comme un bienheureux. Le patron approche pour s'excuser lui aussi et apporter la commande. Soudain, un bruit énorme. Le patron se précipite. Dehors, le vieux est en train de piquer une rage monumentale et vide la terrasse de ses chaises et de ses tables. Il balance les chaises contre la baie vitrée du restaurant.

 Là, on ne voit pas, mais sûrement, le patron et le vieux décidément en pleine forme, s'affrontent grotesquement l'un évitant les chaises que l'autre lui balance à la tête. La patronne appelle les flics.

Je fais court : les flics arrivent (le commissariat est tout proche), la patronne demande si des clients peuvent témoigner de ce qui s'est passé. Le flic demande des gens du coin : il faudra venir le lendemain pour déposer au commissariat. Une table d'habituées se porte volontaire.

Quand le patron est venu nous demander si le repas était bon, mon copain et moi avons eu un geste théâtral de recul et affirmé : "Très très bien." Quand nous sommes sortis, le pauvre était pâle et bouleversé.

Je me demande tout de même si la patronne n'a pas été un peu vive, dans ses réactions. Mais je suppose que d'être attaqué sur ce qu'on met tant de coeur à faire, notamment la cuisine, est humiliant au-delà du raisonnable.

Commentaires

  • Et bien de quoi alimenter (pardon) quelques bonnes scènes à venir ... Et ton entrecôte à toi, elle était comment ???

    Bonne journée.

  • Je t'imagine bien souriant alors que tout le monde devait être absolument absorbé dans cet "accident de vie" comme on dit pudiquement...

    Tu me donneras l'adresse pour que je fasse attention sur les remarques de fin de repas!

  • J. B-C > Nous avons prudemment pris des lasagnes.

    Kurt > L'emblème du restaurant est un logo dessiné par Graphik Lab (dont tu connais le graphiste), qui représente un escargot country.

  • Ca doit quand même sembler surréaliste quand on vit un truc pareil. J'en reste coi!

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