Nous étions couchés, quand la sonnette a été déclenchée. Il était minuit peut-être. A l’époque, ma compagne et moi redoutions les surprises désagréables que mon ex-femme pouvait encore nous réserver. Nous avons pensé à elle. Mais mon fils, plongé alors dans une partie de je ne sais quel jeu vidéo, est venu frapper à la porte de la chambre : « Papa, il y a une dame à la porte. » Une dame. Il aurait dit « maman ». Je vais voir. Sur le seuil, à la frontière de la nuit et de la lumière du couloir, je reconnais une des clochardes qui errent dans le quartier. « Je me suis cassé la cheville. Faut m’emmener à l’hôpital ». « Casser la cheville ? Vous êtes sûre ? Vous n’auriez pas pu marcher longtemps » « J’ai trop mal, j’ai trop mal ». Je la fais asseoir et lui propose d’enlever ses chaussures pour vérifier. La cheville est légèrement enflée en effet. « Bon, je vous emmène ». Je retourne voir ma chérie et lui explique en m’habillant que, soupir, je vais emmener la dame à l’hôpital. Aux urgences, quand je me pointe, soutenant la marche douloureuse de ma blessée, le service est calme. J’avise une infirmière, j’explique, elle regarde de loin la femme assise qui patiente, visage grimaçant. « Ah ouais d’accord », dit-elle. « Vous la connaissez ? » L’infirmière se contente d’opiner, les grandes douleurs sont muettes. Je répète en résumant : « Elle a la cheville vraiment enflée ». « Oui, oui. Je sais. Chaque jour, c’est un nouveau truc. On a l’habitude. » Je repars vitres ouvertes et retourne me coucher. Je m’endors tardivement, pas vraiment certain de ce que je viens de vivre. Le lendemain, je revois notre visiteuse assise à une terrasse de café, un plâtre jusqu’au genou. Je lui demande comment ça va. Son regard paumé me fixe, mais se perd. Elle ne me reconnaît pas. Je m’éloigne. Les bonnes actions sont gratuites, me répété-je.
Commentaires
Cela fait deux sujets relativement durs, sur la situation plus que difficile de personnes, surtout en ces périodes de "fête". Une sorte de malaise quand on pense que normalement la fin de l'année est une période de réjouissance...et se dire que pour certains et certaines il en est bien autrement.
La réaction de l'infirmière est la plus interpelante car on a l'impression qu'il n'y a pas d'issue possible et qu'on est en situation "d'habitude" et donc de renoncement...
Cette réflexion me fait un peu penser aux récits désabusés de Patrick Pelloux et définitivement se dire qu'il y a encore besoin en France de nombreuses améliorations pour s'occuper de personnes qui de leur propre fait ou poussées par un élément externe se trouvent justement en dehors des chemins balisés de notre belle société...
Bon j'espère que tu vas nous raconter ta rencontre avec le Père Noël la nuit du 25 pour nous redonner du baume au cœur et finir cette merveilleuse année 2008 en apothéose!!!
Marrant ce que tu dis, je crois qu'il y a un petit billet en rapport avec papa Noël dans les jours qui viennent (je ne sais plus quand exactement).