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Aumône

« Vous êtes en voiture, monsieur ? »

Il est petit, tassé par la vie, barbu blanc, édenté, ridé et vieux comme une souche patinée, centenaire comme sont les clochards après 10 ans passés dehors. D’habitude, il pue abominablement, mais ce soir, c’est supportable. Je lui dis oui, je suis en voiture, il me demande si je peux le ramener chez lui. Il habite dans mon quartier. Ma douce n’est pas encore sortie, mais je sais qu’elle sera d’accord. Et vos affaires ? La barbe blanc gris jaune écrabouille une vingtaine de mots en cinq secondes pour me désigner l’endroit où est son carton, derrière un mur. Je vais le chercher. « C’est trop lourd » il me dit, avec un air désolé de qui n’a plus la force. Je soulève le carton. J’éclate de rire : « Mais qu’est-ce que vous avez mis dedans ? Ca pèse une tonne ! », à croire que mon vieux clodo fourre des haltères au fond du carton. L’emballage est couvert d’une sorte de blouson. Je réalise dans une respiration, que l’odeur terrible qui suffoque habituellement, quand il arrive qu’on le croise, vient notamment de ce blouson que, pour maintenir le carton, j’ai élevé juste au niveau de mon menton. En apnée, je reviens vers la voiture, accompagné par le vieux. Ma douce est là, elle comprend de suite la situation et, comme j’en étais sûr, sourit de bon cœur. Nous l’accompagnons donc, vitres ouvertes sur l’air de la nuit, que nous aspirons à goulées avides tandis que, sur la banquette arrière, notre hôte débite une logorrhée névrotique, obsessionnelle, incompréhensible. Quelques minutes plus tard, nous voici à bon port. Je reprends le carton tandis que le vieux descend. Il voudrait nous inviter à manger. Nous déclinons l’offre. Il veut me payer pour le déplacement. Je proteste. Il insiste, met la main à la poche et déclare soudain : « Je vais vous donner un secret. Attention, c’est de la valeur. » « Non, non, pas question, surtout si ça a de la valeur, gardez votre… » et là, il me fourre une pièce dans la main. Je regarde, déjà confus de ma faiblesse. C’est une pièce étrange, dorée, assez large. Dans la pénombre, je comprends qu’il ne s’agit pas d’une pièce courante. «Reprenez ça », il ne veut pas, est déjà cinq mètres plus loin « C’est de la valeur, c’est de la valeur », il répète. Il revient à son idée première : « Faudra que je vous invite, pour vous remercier », et puis il pousse son carton dans l’ouverture de la porte cochère où il demeure, et disparaît.

Dans la voiture, puis à la maison, nous regardons son cadeau. Une pièce que je ne peux que supposer chinoise. D’où vient-elle, comment lui est-elle parvenue ? J’imagine que pour lui, c’est effectivement une sorte de trésor. La prochaine fois, à condition qu’il soit assez « clair » pour ça, il faut absolument que je le lui demande.

Commentaires

  • 每個方塊中的關鍵
    他們都是開放的。
    (A chaque coffre sa clé,
    On les ouvrira tous.)

  • tu as fait une faute à 關, si je peux me permettre.

  • Oh, my god, evidemment. Encore une imposture. J'en suis sincèrement désolé.
    Merci de ne pas donner pas mon adresse à Azert s'il te plaît !

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