Je reprends ici intégralement un article paru dans la lettre d'information "Localtis" le 03 décembre 2009, qui fait écho à une chronique un peu alarmiste, postée ici. Heureusement, il y a encore des garde-fous parmi nos institutions.
"L'article 52 du projet de loi de finances (PLF) pour 2010, consacré au transfert des monuments historiques, continue de faire débat. Celui-ci prévoit en effet de rouvrir, pérenniser et élargir la possibilité - expérimentée en 2005-2006 - de transfert aux collectivités territoriales de la propriété de monuments historiques et de sites archéologiques appartenant à l'Etat, en vue d'en assurer la conservation et la valorisation culturelle. Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, cet article avait néanmoins suscité les réserves du rapporteur spécial du programme "Patrimoines" (voir les articles ci-contre du 6 octobre et du 9 novembre 2009).
Cet article a donné lieu à une longue discussion au Sénat, qui - sans remettre en cause la possibilité des transferts - a choisi de rétablir l'équilibre dans une rédaction qui pouvait donner l'impression de "brader" le patrimoine national. Pour mieux illustrer leur propos, certains orateurs n'ont d'ailleurs pas hésité à évoquer quelques hypothèses assez peu réalistes, comme le transfert de l'Arc de triomphe ou du Mont-Saint-Michel... Au-delà de ces joutes oratoires, le Sénat a néanmoins adopté - à l'unanimité et avec l'avis favorable du gouvernement - plusieurs amendements qui encadrent strictement la possibilité de transfert. Un premier amendement confie ainsi au ministre de la Culture - et non pas au préfet de département comme le prévoyait la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale - le pouvoir de désigner la ou les collectivités bénéficiaires d'un éventuel transfert. Cet amendement met en outre un terme à une bizarrerie juridique qui voyait, dans la rédaction initiale, le ministre donner un avis au préfet chargé de prendre la décision. Un second amendement a pour objet, selon l'expression du rapporteur pour avis, "d'empêcher qu'un monument historique ne soit dépecé ou vendu à la découpe". En pratique, cet amendement supprime deux dispositions de la rédaction initiale de l'article 52 qui permettaient de céder des objets mobiliers indépendamment du monument qui les abrite. Le troisième amendement vise la période postérieure au transfert. S'appuyant sur le fait qu'un éventuel transfert d'un monument historique à une collectivité territoriale se fait à titre gratuit, il fait obligation à la collectivité ou au groupement bénéficiaire du transfert, pendant un délai de vingt ans à compter de ce dernier, d'informer l'Etat de tout projet de cession de l'immeuble. L'Etat a alors la possibilité de s'opposer à cette cession. En revanche le Sénat a supprimé la possibilité pour l'Etat de résilier unilatéralement les conventions de transferts dans les dix ans suivant leur mise en oeuvre. De même le Sénat a supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale et prévoyant - autre curiosité juridique au regard de la libre administration des collectivités territoriales - que les collectivités et groupements bénéficiaires d'un transfert doivent remettre au ministre de la Culture, dans les dix ans suivant cette dévolution, un rapport détaillant la mise en oeuvre du projet de conservation et de mise en valeur du monument."