Je les vois ruer leur échine dans l’inertie des foules, ils tapent et tirent, houspillent à perte d’air tous les marauds et les greluches, ils foncent, l’un après l’autre, têtus, menaçants, criant peur et colère, ils avancent et sur le trajet, cela fait des houles de pétrole labourées par l’étrave, avec des rugissements de meute, cela fait des blessés et des mourants qui tombent. Cela fait mal à voir, cela fait le cœur qui remue, s’abîme, coule au fond du ventre avec un appel mou. Et puis je me dis, allez, je me dis que c’est la fin, tu la vois, la fin, là, je me dis. Alors, je fonce à mon tour puisque c’est, je cogne et je renverse puisque c’est la fin, je vais me la bouffer cette dernière, cette ultime, j’irai me les choper, le feu aux poings, la bave aux dents, je me vais te les assommer, les gredins, les boute-feux, les pirates, à grandes lattes, à bouffées de claques, d’uppercuts, d’atemi et de shime, à grandes beuglées de gorille, à force de torsion et de coups, de croc-en-jambe, de taille et d’estoc, tu vas voir, tous, je me vais te les fendre, te les casser, tasser, tabasser, écraser, dérouiller tous, tous, ensemble ou l’un après l’autre m’en fiche, tu vas voir, le nez écrabouillé, les oreilles rougies, les lèvres tuméfiées, paupières gonflées, je vais, je vais, je vais te me les, tu entends, je me vais te les réduire en miettes. Et puis, et puis, oh, après…
Après, alors, quand il y aura tant de silence et d’espace, quand j’aurai fait le vide à perte de vue, qu’il n’y aura que des fous allongés bras en croix, alors. Le souffle revenu, le cœur revenu, l’âme revenue, j'irai m’asseoir. Je sentirai mes membres détachés l’un puis l’autre, défaits de leur douleur, l’un puis l’autre. Je sentirai s’évanouir les tremblements de la peur, se dénouer l’enlacement des ecchymoses. Et, tu sais, il y aura, comment dire cette chose. Tu sais. Les yeux fermés, narines ouvertes, le corps aspiré par les anges, il y aura cette paix. Il y aura des étoiles sous mes paupières closes, une haleine féminine frémira à mon oreille, le soleil baisera ma poitrine. Forcément, j’aurai un sourire. Je me dirai : voilà. C’est le début. Maintenant, c’est le début. Tout commence.
Et puis, dans cette paix, je reconnaîtrai une angoisse, me reviendront les images du combat, les flashes et les crashes, et je saurai… Comme j’étais bien quand je luttais !