La chouette
La marche dominicale à travers les bois n'était pas négociable, hiver compris. Qu'importaient nos lamentations d'enfants que le désir de voir enfin tel téléfilm ou émission suscitaient, il fallait aller se promener le dimanche, marcher sur les sentiers en poussière ou les sous-bois humides, c'était au-delà de la question de la santé, inscrit dans le marbre comme une tradition. Dimanche, c'était marche, point final.
L'exercice se transformait parfois en émerveillement. Les paysages solitaires sur le plateau de la Verrerie, les cascades moussues dignes d'Excalibur au fond des gorges du Désert, et les fûts immenses des Bois noirs offraient des ambiances que ma petite cinéphilie d'enfant reconnaissait.
Un jour, nous trouvâmes une chouette blessée. J'étais petit, les détails de la capture m'échappent. Je vois un remuement incertain, mon père qui s'approche... le reste est très flou, peut-être jamais vécu, en fait. Par contre, je me souviens clairement de la chouette, figée comme une petite déesse au dessus d'un placard extérieur, sur le balcon qui menait chez nous. Mon père l'avait installée là et elle patientait ainsi la journée entière. Mes parents la nourrirent d'abord je ne sais comment, et nous la saluions mon frère et moi à chacun de nos passages, partant ou revenant de l'école. Elle tournait vers nous son regard incessamment étonné, sa face plane de dessin animé. On ne la dérangeait pas, on la regardait à peine après un temps. Une voisine comme les autres.
Bientôt, mon père s'aperçut que notre invitée s'envolait pour ses chasses nocturnes. Elle était guérie.
Je n'ai pas souvenir non plus de sa restitution à la forêt que nos soins lui avaient fait quitter, mais je retrouve facilement l'image de cette compagne muette, de son expression de sérieux et d'attention quand nous lui parlions, de la bonté que je lui prêtais.
Commentaires
Jolis textes sur un sujet finalement peu traité.
C'est curieux, mais je viens de redécouvrir Jules Michelet, et après "La Mer" et "La Sorcière", je viens d'achever la lecture de "Les Oiseaux", qui est un peu plus qu'une pochade naturaliste, et que je recommande...