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Des oiseaux / 3

Le martinet

Au sortir du travail, on les discernait dans leur course folle, rayant le ciel loin au dessus de nos têtes. Un soir, un de leurs petits était tombé, minuscule et laid, sorte d'araignée couverte de duvet, ouverte sur un énorme bec. Enfin pas encore. Lors de sa découverte, à mes pieds, il était assommé, quasi mort. Le saisissant, je me suis aperçu qu'il vivait, ses moignons d'aile remuaient. « Un petit coup de déprime, ça va aller mon gars. Tiens bon jusqu'à la maison. » Une vingtaine de minutes à pied, le martinet ramassé dans ma main fermée à demi. Pendant le trajet, celui que je décide immédiatement de nommer Gibus (cette habitude humaine de nommer les êtres et les choses, depuis la Genèse, notre indestructible propension à s'approprier par le verbe...) et de croire masculin, va savoir pourquoi, commence à recouvrer son énergie et à s'agiter au risque qu'il échappe à la cage improvisée de mes doigts.

A la maison, Gibus découvre l'attitude qu'il aura pendant tout son séjour : s'agripper à mes vêtements, sur la poitrine, grimper grimper et se coller dans le refuge de mon cou. Je lui prépare du jaune d'œuf, pris au bout d'une allumette, qu'il avale goulûment (maintenant oui, il n'est plus qu'un grand bec entouré de duvet). En quelques jours, nous voyons les plumes apparaître et notre bébé se métamorphoser en oiseau digne de ce nom, et de voler bientôt. Plusieurs essais dans la maison, sous le regard ébloui des enfants, précipitent Gibus au sol malgré l'élan que nos lui donnons. Pourtant, il devient vigoureux, il donne de la voix, grimpe plus vite jusqu'à mon cou.

Un soir, je décide de reproduire l'essai. Nous sortons dans le jardin, nous plaçons face à face à quelques mètres de distance. J'envoie le martinet, il bat des ailes, tête enfoncée dans les épaules à la manière d'un sprinter, il frôle ma femme, et disparaît. Nous restons stupides plusieurs secondes à contempler le ciel où Gibus s'est évanoui. On se dit que, l'instinct aidant, l'an prochain il reviendra saluer ses parents adoptifs. On n'y croit pas mais on se le dit. Il ne reviendra pas.

Commentaires

  • Excellente série que cette dernière sur nos amis volants.
    C'est plutôt rare de se préoccuper de ceux qui occupent l'espace au-dessus de nos têtes.

  • Et vive Senzu ! (j'en profite pour dire que je n'arrive pas à mettre de commentaires sur votre blog collectif, mais que je conseille à tous d'aller y faire un tour).

  • Il faut te créer un profil google pour pouvoir poster des commentaires, ou alors de manière anonyme.
    Merci.

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