A quel endroit est-ce que cela s'est passé, entre quelles lignes ? Je tente de me souvenir de mon premier contact avec la littérature. Quand ai-je compris pour la première fois que je lisais un texte, c'est-à-dire plus que des mots ou des phrases : une voix qui me disait quelque chose d'important ? J'avais lu beaucoup de cette littérature accumulée par mon père, du temps de sa jeunesse, après la guerre. Des romans traduits de l'anglais W.E. Jones (il me semble), avec le héros Biggles ou l'héroïne Worraghls (des mots imprononçables pour mon frère et moi, quand nous échangions à ce propos). Mais encore, ce n'était pas le choix littéraire dont je veux parler. Pagnol peut-être ? Ou bien ces « Signes de pistes » dont j'ignorais la nature prosélyte, ou encore la guerre du feu, dès les premières lignes ? Plus sûrement chez Hugo. « La légende des siècles ». Je ne sais plus quel âge j'avais. Mais j'avais besoin d'emphase, de grandeur, d'un souffle qui me submerge. Je voulais (je suppose), un mode d'émotion qui me surpasse. Avec le père Hugo, comme vous imaginez, j'ai été servi. C'est peut-être bien là qu'il faut trouver la racine de mon goût pour le verbe, l'épique, le « plus grand que nature » que j'aime malgré mon intérêt pour la sobriété et contre quoi, naturellement, je lutte. Chaque phrase que je produis est un combat pour étouffer cet élan vers l'énorme, le surhumain, l'édifiant. Ne soyez donc pas surpris que j'y cède parfois.
Commentaires
Pour la curiosité, comme ça, j'imagine que tu as essayé justement de ne pas tenter de retenir ces pulsions de gigantesque et ces envies de tout péter.
Tu as des exemples de ce que ça donne quand tu lâches tout ?
Oeuvres de jeunesse, médiocres, verbeuses, enflées. Illisibles. Inutile d'insister (en plus, jetées, je pense).
Oeuvres de jeunesse, médiocres, verbeuses, enflées. Illisibles. Inutile d'insister (en plus, jetées, je pense).