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La partie de Cache-cache, un livre de Laurent Cachard

Partie de Cache-Cachard

Laurent Cachard a encore affiné la sobriété du style qui avait fait de son premier roman publié, Tébessa, l'émouvante parole d'un jeune appelé en Algérie qui, de souvenir en souvenir, achevait de fermer la parenthèse du présent. Dans  La partie de cache-cache, l'auteur mêle (dans une semblable « fenêtre » de temps que celle de l'embuscade où était tombé Gérard, son héros précédent), trois voix en contre-point. Trois monologues secs et ciselés qui se cherchent, se touchent, se percutent ou se confondent. Trois vies d'enfants, déjà lourdes de secrets, qui finiront par se trouver.


C'est sur la terre du Berry où subsistent les sorcières et les traces de sang des aviateurs tombés, que Laurent Cachard réveille les fantômes de toutes les enfances, les souvenirs de la secrète tension qui nous tordait les tripes quand nous jouions à cache-cache, souffle retenu, poitrine frappée par le tambour du cœur, redoutant  le terrible « Vu » ! qui nous ferait sortir et inverserait les rôles (celui qui se cachait devenait celui qui cherche les autres). Dans la partie donnée ici, les rôles ne seront pas distribués comme il convient : pour le onzième anniversaire de Jean, ses parents ont invité ses camarades, qu'il méprise pour la plupart. Quand une partie de cache-cache est lancée, Jean, maître sur son terrain, propose d'être seul à se cacher. Tous le cherchent ; il devient invisible.
Jean observe les autres, le temps qui s'écoule, la lassitude des enfants, il s'amuse de leur peur de se salir, de s'aventurer trop loin ou dans des endroits trop dangereux. Le jeu (mais on n'est plus dans l'enfance : « ces jeux de gamins ne sont plus pour moi » dit Jean), se prolonge par sa seule volonté. Seuls Grégoire et Émilie n'abandonnent pas et s'obstinent, pour des raisons différentes. Grégoire veut en découdre, il « n'aime pas que les choses résistent », flaire l'opportunité du règlement de comptes, du sang versé peut-être, il est tout en puissance, convaincu que son entêtement, forcément, dénouera les situations ; Émilie, seule, « a l'attitude », « elle ne cherche pas pour chercher, elle essaie de se mettre dans [sa] tête ». Voici que s'affrontent ou se complètent les souvenirs et les pensées de trois orgueils, trois fiertés, trois solitudes. Voici que le jeu devient enjeu.
Le monde des trois enfants est une combinaison de secrets qu'ils éprouvent au quotidien « la véritable partie de cache-cache, c'est celle qui se joue tous les jours, pour cacher ce qui ne va pas, ce qu'il faudrait changer ». Les cachettes de toute sorte, l'efficacité des non-dits et des regards détournés, ils connaissent. Jean, fils d'un artiste exilé sur les terres du Berry, et qui est un point de tension entre ses parents ; Émilie, allergique, asthmatique, adorée par son père mais détestée par sa mère ; Grégoire, plus mûr encore que les autres parce qu'il doit être assez fort pour s'occuper de sa mère, désorientée et fragile. Tous trois sacrément solides, sacrément subtils. Fins analystes des rapports humains, aussi. C'est qu'ils ont été depuis longtemps débusqués de leur bulle d'enfance par la faiblesse de leurs parents et ils savent bien qu'« On ne commence jamais suffisamment tôt les bassesses de la vie d'adulte ».
Les trois personnages principaux du roman le savent : ils sont à la croisée des toutes les tensions, de tous les regards, de tous les secrets. Ils sont le produit des regrets et des deuils, des accidents de la vie, des rêves inaboutis. Ils sont ce sur quoi les grands projettent leur médisance et leur amertume. Toutes les innocences adultes se concentrent dans leurs pensées précoces. Dès lors, comment leur jeu pourrait-il n'être qu'un amusement ? Se cacher et se chercher ne peut être qu'une manière de nouer et dénouer les drames.
Au bout du compte, et qu'on me pardonne cette facilité, mais peut-être que celui qui se cache le mieux ici est l'auteur lui-même (on aura noté la finesse de la paronomase du titre de ce modeste article, qui souligne la possible fusion de ce livre avec la personnalité de l'écrivain), parce que « ce qui se joue [là] », dit Jean, c'est « une partie de ce que je vais pouvoir être plus tard, quelqu'un qui sait regarder et qui restitue ce qu'il a vu, à sa manière. » C'est-à-dire que, si l'on veut, se joue ici l'essence de ce qui fait un auteur. Pour Laurent Cachard, tous les romans sont des parties de cache-cache et leurs personnages, les enfants déflorés qui s'y adonnent.

La partie de cache-cache, Laurent Cachard. 151 pages. 14 euros. Editions Raison et Passions.

Commentaires

  • Je viens de lire La partie de cache-cache d'une traite. J'en ressors essoufflé et tout mouillé. Magnifique, malgré les écorchures sur le corps qu'il nous laisse.
    Bientôt, très bientôt, il sera présenté par l'auteur à la La librairie La Boucherie à Sancerre. Il faudra y être.

  • Oui,oui, à Sancerre même, nous aurons la chance de rencontrer cet auteur : L. Cachard & son dernier ouvrage - Une partie de cache cache publié chez Passions & raisons. Jouer est merveilleux, mais lire est une rêverie de tous les bons jours ! grands moments à vivre, à consommer sans modération !!!!!!

  • Achat de lingot d'or à Paris. Cours de l'or en suisse.

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