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Pris, Le Point dans le sac

Magnifique, tout de même, ce qui vient d'arriver à ce journaliste du Point qui souhaitait, dans un article fracassant, dévoiler enfin la vérité taboue de la polygamie et dénoncer ses effets dévastateurs, notamment en terme de délinquance. Magnifique, parce que, piégé, remuant dans ses contradictions, Jean-Michel Décugis révèle en se défendant, comment il a travaillé et dévoile un autre tabou, en réalité : la gabegie, la paresse intellectuelle d'une certaine presse qui se nourrit de ses propres fantasmes et les inocule dans la société. J'explique : Décugis qui, dit-il, travaille depuis vingt ans sur la banlieue, n'a pas réussi, malgré cette fine connaissance, à trouver une seule famille polygame. Il n'en connaît pas. Il va bien falloir, bon sang de bois, en citer une, dénicher un témoignage pour son magazine ; son magazine qui DOIT prouver que nous avons là un grand danger pour la France, zut, quoi. Il prend contact avec une personne qui « fait autorité » dans ce domaine, l'auteure « d’un rapport sur la polygamie pour l’Institut Montaigne », Sonia Imloul. Très bien, la responsable y admettait d'ailleurs ne pas avoir de données certaines sur le nombre de familles polygames, mais qu'à cela ne tienne, elle déterminait des impacts, des nuances, des démonstrations... Ces deux-là sont faits pour s'entendre : Sonia Imloul est une chercheuse « de terrain », comme Jean-Michel Décurgis est un reporter « de terrain ». En fait, Sonia Imloul a un « fixeur », c''est-à-dire, comme dans les pays en guerre, une personne du cru, qui connaît langue et pratiques, et permet au reporter de rencontrer les personnes souhaitées. C'est un nommé Abdel. Un internaute. Il s'amuse, Abdel. Déjà, il a donné du grain à moudre aux réflexions « de terrain » de Sonia. Il va carrément bidonner une interview pour Le Point. Vous voulez du cliché ? On va vous en donner, se dit-il, ravi de pouvoir prendre un de ces journalistes qui stigmatisent la banlieue à longueur d'articles, sans nuances, sans contrepoint. Le coup de la famille polygame est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Imitant pourtant très mal une nommée Bintou, prétendument troisième épouse d’un Malien de Montfermeil naturalisé français, il fournit au journaliste avide tous les clichés dont il a besoin, qui vont dans le sens de l'idée qu'il se fait de la chose. Pour prouver le bidonnage, Abdel filme l'interview, réalisée par téléphone. J'ai bien dit : par téléphone, ce qui n'empêche pas notre journaliste d'évoquer « la jeune femme au joli visage légèrement scarifié de chaque côté des yeux ». Nous avons là un enchainement de compétences parfaitement virtuelles (chercheuse et journaliste qui se contentent de noter les dires d'une tierce personne, sans vérification) qui produit tout de même de l'information, validée par un hebdomadaire reconnu, diffusée et débattue comme telle. Magnifique, je vous dis. Voir pour plus de précisions l'article de Mediapart.

Commentaires

  • Et pour compléter, souvenons-nous du gros foutoir de Libération et France 2 :

    http://www.lorgane.com/QUAND-LIBE-ET-FRANCE2-DERAPENT_a232.html

    Ici c'est d'ailleurs parfaitement expliqué :

    http://www.youtube.com/watch?v=gze15ryMCxQ

    *soupir*

  • Merci. Joli.

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