C'est évidemment très prétentieux de se poser en juge, de quoi que ce soit. Et chaque fois que je me suis laissé aller à distinguer entre ce qui selon moi est bien et ce qui n'est pas bien, je l'ai fait naïvement convaincu de mon bon droit, avant de découvrir que mon jugement -pour inefficace et discret qu'il soit- avait pu faire du mal à l'intéressé(e). Ensuite, le remords me gagne et je me sens mal. Il faudrait bien que j'arrive un jour à réconcilier mes pensées et mes actes : en gros, ne pas blesser inutilement les autres ; mais rien à faire, devant les couronnements de lauriers disproportionnés ou immérités (y compris quand j'en suis le bénéficiaire, d'ailleurs), me viennent des imprécations irrépressibles. Et je les livre, au lieu de me taire, comme je devrais. Parce que je ne pense jamais être en capacité de toucher ma cible. Je veux dire qu'il m'est arrivé d'être attaqué sur mon travail (je me souviens d'un article cuisant sur une scénographie d'expo, il y a longtemps), tandis qu'autour de moi on se morfond, à la vérité, ça m'amuse plutôt. Je suis toujours un peu spectateur de ma vie, et je trouve souvent les critiques justifiées. Parfois elles m'agacent : un article mal écrit, mal ficelé, confus, à peine relu, qui critique le style du « Baiser de la Nourrice », oui, il est vrai que c'est très énervant ; mais en général, les réserves émises ressemblent à celles que je peux avoir sur mon propre travail. Je suis donc d'autant plus décontenancé quand mes critiques sont reçues comme des coups de poignard ou autre métaphore excessive. C'est regrettable. Autrement dit, ma chère Anne, je te demande pardon.