Dans cet aréopage de têtes bien faites, dont la culture m'émerveillait depuis des années, surgit Paloma Courbeau. Paloma était une femme exceptionnelle. Après un parcours exemplaire, elle était devenue la référence en matière d'art contemporain dans la région. Elle parcourait les galeries et les musées du monde entier, avait signé des livres qui font autorité et décidait des achats pour le Fonds régional. C'était magnifique évidemment, mais ce n'était que cela ! Dès son entrée, l'assemblée d'intellectuels où j'étais immergé se mua en foule de vacanciers tropéziens à l'affût d'une star à la con. Avec cependant un plus dans la vulgarité : la veulerie mielleuse des portiers, la courbette et le compliment glissés dans un souffle. J'ai assisté en direct à un effondrement cérébral généralisé. Parce que Paloma détenait une parcelle de notoriété, parce qu'elle avait côtoyé de grands artistes, écrits quelques livres, et était passé à la télé, il devenait soudainement urgent de ne pas déplaire, de paraître, de se faire remarquer. Je me suis pris à penser à l'abdication de certains artistes ou auteurs devant un pouvoir d'une autre échelle, à leur empressement à répondre à l'invitation des tyrans sur leurs terres. J'ai médité sur l'idée que la culture, que je croyais être source d'ouverture et protection contre la bêtise, ne pesait pas lourd face à l'intérêt et à l'ambition. Et sans doute plus rien face à la peur.