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Contes horrifiques

Ils sont plusieurs gamins qui, comme à l'habitude, crachent à leurs pieds. Les longs jets de salive sont éjectés au rythme de leur échange : une phrase/un crachat ; un silence prolongé/un crachat plus réduit ; une exclamation/une expectoration glaireuse. Je ne les observe pas vraiment, mais les raclements de gorge, reniflements, éjections diverses perturbent ma lecture. Je m'apprête à partir quand j'entends soudain un cri. Je lève le regard. Le cercle s'est élargi autour d'un des gamins, paralysé. Un arc épais et luisant relie sa bouche à la terre. Anormalement épais, l'arc. Ce n'est pas de la salive, c'est un mucus dégénéré, rosâtre, qui paraît s'épaissir de seconde en seconde, comme aspirant sa matière depuis la bouche ouverte de son géniteur. Le gamin est livide, comme s'il venait d'accoucher par en haut d'une partie de ses viscères. C'est l'effet que le spectacle produit aussi sur ses camarades, effarés, déjà deux pas en retrait. Aucun n'est tenté de rire. Moi non plus. Je cherche du regard quelque secours, mais il n'y a personne dans le petit square où nous sommes. Le gamin fait un geste malhabile pour tenter de détacher la déjection qui maintenant enfle et déforme ses lèvres dans un O d'étonnement. La sécrétion, comme animée, ne cède pas, semble au contraire attirer le garçon vers le sol, vers le bulbe grumeleux qui l'enracine. Les doigts du malheureux s'empêtrent dans la viscosité des glaires, étirent pour s'en défaire cette matière écœurante, mais ne font qu'en augmenter le volume et l'épaisseur. Il veut crier mais la déjection maladive l'étouffe, sursaute dans l'effort comme une larve. Il vomit, la larve s'empiffre de cette nouvelle abondance et se colore maintenant d'orange, grossit encore, fait fléchir le jeune corps et le met à genoux. Enfin, la victime bascule vers l'avant et tombe, la face dans la fange palpitante qui entreprend de le dévorer. Les autres s'enfuient en hurlant. Sur le trottoir, la flaque huileuse achève de dissoudre le garçon et prend bientôt une teinte grise et mate, durcit finalement au point de ressembler tout-à-fait au ciment des trottoirs. Après quelques minutes de soleil caniculaire, il n'y paraît plus. Je reviens à ma lecture dans le silence retrouvé, ravalant une furieuse envie de cracher par terre, à mon tour.

 

 

(Bon d'accord, c'est une redite, mais en plus de cinq ans, vous avez pu l'oublier...)

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